Sommaire
 Qu'est-ce que

l'Institut pour la Mémoire Européenne ?


En préparation

Femmes, Religion
et Démocratie en Méditerranée


Georges PREVELAKIS

La notion de Nation à l'Est et à l'Ouest. 

Alexandre POPOVIC

La Situation des Musulmans dans les Balkans après la chute du mur de Berlin .

Ivan COLOVIC

Le mythe de l'identité nationale.

Tarik HAVERIC

Les identites individuelles, les identités collectives: nouvelles interrogations.

Patrick MOREAU

Les intellectuels face à la tentation populiste de droite en Europe et le retour du nationalisme.

Rafail FAINBERG Extrèmisme en Russie.

Panayote Elias DIMITRAS L'intolérance des Etats nation envers les minorités ethniques et religieuses .

Victor ELENSKY

L' Eglise Orthodoxe dans la société post-communiste: le cas de l'Ukraine.

Predrag MATVEJEVIC Intelligentzia et dissidence dans l'autre Europe .

 Théo ROBICHET

Une Mémoire peut en cacher une autre ...

 Olivier GILLET

Ecclesiologie Orthodoxe et Nationalisme en Roumanie

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L'Institut de la Mémoire Européenne



 LES IDENTITÉS INDIVIDUELLES, LES IDENTITÉS COLLECTIVES :
NOUVELLES INTERROGATIONS

Tarik HAVERIC

La première partie du titre de ce symposium tel que proposé par les organisateurs offre de multiples possibilités dans de divers domaines : nombreuses sont les recherches dans les sciences sociales contemporaines qui ont trait d'une manière ou de l'autre à l'identité ou à l'État, sans parler de la religion ou de la laïcité. C'est donc à la deuxième partie du titre qu'incombe de cerner l'objet ou les objets de notre intérêt. Sa fonction est nettement restrictive, puisqu'elle désigne un espace défini, l'Europe, et une certaine époque, la plus récente, qui a commencé avec la chute du mur de Berlin. "La chute du mur de Berlin" étant une expression appartenant au langage imagé, il nous faut d'abord procéder par déterminer son sens.

Qu'entend-on par cette métaphore, et pourquoi cet événement est-il appelé à faire date dans l'histoire contemporaine ? Des milliers de pages sont écrites sur ce sujet, et des dizaines d'approches et de grilles d'analyses proposées dont certaines s'excluent mutuellement. Le débat est loin d'être clos, et on ne peut raisonnablement espérer trouver une réponse sans équivoque. Celle que je propose n'est donc plus qu'une hypothèse heuristique la chute du mur marque la défaite, dans le temporel, d'une idéologie collectiviste ponctuelle. Cette défaite n'est pas complète, puisqu'il y a encore, depuis la Chine et le Viêt-nam jusqu'à Cuba, des sociétés qui s'en réclament, mais on peut croire qu'en Europe au moins elle est irrévocable.

L'idéologie en question a été combattue et finalement vaincue au nom des droits de l'homme. Un point de départ tout à fait légitime consisterait donc de considérer la chute du mur comme un tournant décisif sur la voie de l'émancipation de l'individu. Pourtant, l'observation des processus consécutifs apporte justement les preuves du contraire: les sociétés qui naissent des décombres ne font que substituer d'autres collectivismes à celui prétextant la suprématie de la classe ouvrière. Le communisme lui-même n'est pas considéré comme foncièrement injuste ni son effondrement comme souhaitable à cause du statut de l'individu ni des rapports sociaux qu'il impose, mais à cause des formations étatiques auxquelles il a donné naissance. Dans la pratique, « La chute du mur de Berlin » a introduit l'éclatement étatique de l'Union Soviétique, de la Yougoslavie et de la Tchécoslovaquie (pour l'instant) plutôt qu'il n'a marqué la transformation démocratique de cette partie de l'Espace européen. C'est pourquoi elle peut être considérée comme la métaphore de la défaite d'une idéologie collectiviste parmi les autres, et non pas la fin des collectivismes tout court qui auraient cédé la place aux individus libres et responsables.

Les nouvelles idéologies collectivistes ont un point commun: la validité abstraite des droits de l'homme n'est nullement remise en question. Aucune théorie politique qui aurait consacré un nouveau sujet collectif (ethnie, nation, religion) tenant lieu de la feue classe ouvrière n'a été formulée, les revendications dites identitaires se fondent apparemment sur la volonté librement exprimée des individus de ne faire qu'Un. Que de nouveaux assujettissements peuvent se légitimer par l'exercice des droits individuels dont une interprétation abusive est offerte, appelle à repenser de toute urgence les interrogations sur l'identité ou l'État qui s'imposent avec ceux-ci. Le propos de la présente contribution est donc d'établir une nouvelle problématique et de définir ses conditions-limites plutôt que de proposer des réponses. Une telle réflexion est forcément abstraite; toutefois, pour illustrer la pertinence de ces nouvelles interrogations et leur intérêt pratique, je me permets de renvoyer occasionnellement à des situations concrètes du passé récent des Balkans qui les suscitent.

1. Le sujet des droits de l'Homme est l'individu abstrait, construction purement logique; l'Homme susceptible de jouir de ces droits est dépourvu de toute particularité et conçu hors de tout contexte historique ou social, sans aucun lien avec ses pairs. C'est leur qualité plutôt que leur défaut, puisqu'ils résument ce que les hommes ont tous en commun sans pouvoir être identifié à aucun. Les enseignements philosophiques et moraux qui sont à l'origine des droits de l'Homme ainsi que les actes constitutifs des sociétés démocratiques représentant leur expression juridique, évoquent d'une façon ou de l'autre la dignité de la personne - et non pas de quelque groupe que ce soit - comme dernière valeur référentielle. Il s'ensuit que l'identité primaire, ou l'identité tout court est l'identité irréductible de chaque individu, qui le rend unique et irremplaçable. Dans le langage courant, pourtant, on assimile le plus souvent l'identité à l'appartenance à un groupe (linguistique, religieux, ethnique): ce n'est jamais ce qu'un individu ne partage avec personne , mais au contraire ce que plusieurs individus ont en commun. Le premier pas consisterait donc à réaffirmer ce sens fort de « l'identité », au détriment de son sens faible mais prédominant.

2. Ensuite, il faut se rendre à l'évidence : appartenir à un gr