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L'lnstitut pour la Mémoire européenne
Une mémoire peut en cacher une autre ...
Théo ROBICHET
Le premier acte de toute dictature
consiste à supprimer l'Histoire.
Orwell
Notre siècle a mal commencé, il a fallu pour que tout bascule,
que le 28 juin 1914, dans la ville de Sarajevo un jeune Serbe
Gavrilo Prinzip, c'est son nom, fit passer de vie à trépas, l'héritier
de l'Empire de Vienne, ce " Cher François Ferdinand". Je dis et
j'écris "Cher" car il devait bien être cher vis-à-vis de quelques-un
de ses proches. Finies les guerres régionales, avec leurs charges
héroïques sabre au clair, celles que l'on raconte si bien dans
les manuels scolaires, avec de jolies gravures afin de sensibiliser
la fibre et la mémoire nationale du futur citoyen, qui à son tour
irait défendre la patrie contre l'ennemi envahisseur, si celui-ci
osait un jour franchir la frontière sans y avoir été invité. Finit,
le vingtième siècle par le geste de ce jeune Sarajévien allait
inventer la " première guerre mondiale ". Ensuite suivraient :
les millions de morts les pogromes, d'autres guerres, avec leurs
cortèges de déplacements de population, les révolutions, les contres
révolutions, la deuxième guerre mondiale, la guerre d'Indochine,
puis d'Algérie, le Vietnam, la Baie des Cochons, l'Iran contre
l'Irak, le Liban, la chute du mur de Berlin, j'en passe et j'en
oublie. La liste est trop longue. Bilan : deux guerres mondiales,
une bonne centaine de guerres régionales et de libération. Puis
est venu le temps de la "télévision" qui nous a offert un autre
regard, elle nous a invité à nous former une autre mémoire, elle
nous a permis d'assister en direct, et comme si on y était, avec
les moments forts du "20 heures" c'est-à-dire, entre la poire
et le fromage, que dis-je en permanence vingt-quatre heures sur
vingt-quatre, à l'histoire qui se déroule loin de nos yeux, mais
présente malgré tout grâce aux communications satellites, et à
la concurrence des chaînes. Je ne sais pas si vous vous en souvenez,
une étape a été franchie avec l'opération " Tempête du désert
". Le direct sur rien, sur une opération de frappe dite chirurgicale,
sur une gigantesque campagne de bluff et de désinformation. Pour
ma part, je trouve que les guerres au cinéma et surtout dans les
films américains, c'est beaucoup plus spectaculaire qu'à la télévision,
vous ne trouvez pas ?
Ce siècle nous a également donné en prime: un, deux, trois, quatre,
cinq génocides. Un million et demi d'Arméniens, six millions de
Juifs, trois millions de Cambodgiens, huit cent mille Ruandais,
et pour terminer, mais je m'avance peut-être un peu vite, car
il nous reste encore quelques années avant de passer dans le troisième
millénaire et, donc pour finir je l'espère, "l'épuration baptisée
Ethnique" en Bosnie-Herzégovine, et qui se continu au Kosovo.
Dieu seul sait ce que nous sommes encore capables de concocter
comme nouvelles sauvageries d'ici là. Tout cela comme si le vingtième
siècle, siècle de grandes découvertes, scientifiques et techniques
certes, était surtout celui de la progression exponentielle, de
la destruction, de la mort, des malheurs de victimes innocentes,
avec en plus pour couronner le final, son cortège d'obscurantisme
que les intégristes religieux, toutes soutanes ou djellabas confondues
développe actuellement sur toutes les latitudes. Voilà de quoi
chambouler les mémoires. Car l'histoire est de plus en plus souvent
re-écrite et revendiquée par des groupes nationaux pour justifier
une politique fondée sur l'exclusion, tandis qu'elle est aussi
devenue, par le biais des médias, un véritable spectacle échappant
souvent à toute rigueur et à toute méthode d'analyse. L'analphabétisme
historique est particulièrement dramatique au sein de certaine
population et quasiment total chez les jeunes générations qui
deviennent de ce fait des éléments offerts à toutes les manipulations
politiques. Aussi nous constatons que la pensée de nos contemporains
n'est guère connue, car abordée et diffusée la plupart du temps
sous forme de résumé, sans doute pour être plus " DIGEST ". Certes
les télévisions nous abreuvent d'images, cependant, elles ne nous
communiquent, en général, que des extraits d'interviews dont l'approche
est journalistique. C'est-à-dire que ceux-ci ne sont là que pour
mettre en valeur le meneur de jeu, le présentateur, le journaliste,
ils se cachent tous derrière une déontologie dont ils sont les
seuls à connaître les règles, car nul d'entre nous n'a pu lire
trois lignes à son sujet, ce qui leur permet parfois de condamner
certains de leurs confrères lorsque ceux-ci ont quelque peu mordu
la ligne jaune imaginaire qu'ils se sont tracés de ce qui leur
paraît être l'inacceptable. Juste un exemple parmi des centaines
d'autres : la fausse interview de Fidel Castro, réalisée par le
célèbre présentateur de télévision Français de TF1, Patrick Poivre
d'Arvor. Un ami pour parler de la télévision et de la place qu'elle
prenait dans la famille parlait d'une nouvelle religion, et de
ses nouvelles icônes, il avait ainsi baptisé le téléviseur " L'Icône-électro
ménagère ". La mémoire ainsi enregistrée et archivée est un produit
correspondant aux impératifs du marché de l'actualité. À partir
d'une " Mémoire " falsifiée, altérée, maquillée, trafiquée, truquée,
contrefaite, tronquée, déformée, défigurée, dénaturée, violentée,
occultée, il devient facile de manipuler l'opinion publique et
d'écrire une histoire se voulant scientifiquement vrai, et qui
ne l'est guère plus que celles qui commencent par : Il était une
fois....
"L'homme n'est pas un arbre, Il n'a pas de racines, dit un vieux
proverbe russe. Mais l'homme a des attaches" .
Aussi lorsque pour des raisons économiques, ou politiques, il
se retrouve dans l'obligation de partir sur les routes de l'exode
qui le mèneront dans un autre pays que le sien, lorsqu'il devient
un immigré, ses attaches culturelles vont rapidement lui imposer
de se construire un " Territoire de mémoire ". C'est à l'intérieur
de celui-ci qu'il pourra retrouver son équilibre. Prenons garde,
serions-nous en train de perdre la mémoire ? Mémoire au sens culturel,
ce que les économistes sont en train de baptiser " mondialisation
de l'économie " recouvre une réalité, mais elle en cache aussi
une autre. Ne serait-elle pas uniformisation de la culture, occultation
de la mémoire, culture importée et imposée économiquement par
une nation qui justement n'a pas de mémoire au sens historique.
Ou plutôt si, mais elle est encore enfantine et balbutiante, puisqu'elle
commence à Mickey, de ce fait, elle n'est pas encore mâture, donc
elle est dangereuse, il faut y prendre garde.
Information, Histoire et Mémoire.
Quand j'entends un étudiant qui me dit qu'il doit rédiger son
mémoire, il me fait penser à l'historien qui considère la mémoire
comme un stock d'informations sur des événements du passé, rarement
du présent, (il faudrait s'interroger pourquoi le présent fait-il
si peur à l'historien) mais qui lui apparaît comme quelque de
chose de flou, désorganisé, son travail va consister à enquêter,
il sera pour un temps le Maigret ou le Sherlock Holmes de nos
futures mémoires historiques. Il donnera forme et crédibilité
à ce tas d'informations Ce sont les pratiques juridiques et policières
qui ont donné naissance au mot : " INFORMATION ". Ouvrir une Information
fait partie de l'instruction d'une affaire. Ces derniers temps
avec l'affaire du pédophile Dutroux en Belgique, l'Information
au sens de l'enquête s'est mené au moins sur trois niveaux, le
policier a mené la sienne, c'est son travail, la télévision c'est
également son travail d'informer, le public a informé les deux
premiers, il est devenu ainsi sujet d'information et informateur.
Faisant surgir de la mémoire et des dossiers des affaires oubliées,
enfouies dans la mémoire du temps.
L'information vise l'ensemble des actes qui tendent à établir
la preuve d'une infraction et à en découvrir les auteurs. Les
pratiques journalistiques (écrites, parlées, télévisées) se sont
par la suite approprié un des usages du mot, et plus récemment,
l'outil informatique, l'ordinateur, car il a une " mémoire ";
il stocke une quantité d'information, car il possède une mémoire
de masse, et sa mémoire vive peut selon sa capacité nous donner
accès à ces informations plus ou moins rapidement.
L'usage de l'informatique est aujourd'hui très répandu dans le
journalisme et lorsque celui-ci se donne en représentation, il
met avant tout l'accent sur les " Processus et le Jargon " liés
à ces nouvelles technologies de pointe, l'ordinateur a une mémoire
qui ne se trompe pas, et ne peut pas se tromper, sa mémoire est
binaire, et ne peut pas faire d'interprétation, c'est donc une
information fiable. Il est difficile d'imaginer le contraire puisque
qu'aujourd'hui nous avons accès non pas à des milliers de livres,
mais à des milliers de bibliothèques réparties à travers le monde.
Avec l'apparition de l'écriture, l'homme a commencé à garder ses
écrits, à stocker son savoir, des bibliothèques se sont ainsi
constituées, la mémoire de l'humanité est passée de la tablette
d'argile au papyrus, du parchemin, au papier, de la calligraphie
à l'imprimerie.
Aujourd'hui nous commençons sans trop nous en apercevoir à écrire
et stocker notre mémoire de manière virtuelle, l'accès à celle-ci,
passe de plus en plus par un vecteur obligatoire, celui de l'ordinateur.
Lorsqu'on utilise pour les ordinateurs le mot " Mémoire ", me
paraît galvaudé, déformé, pour sortir de son sens noble, cela
me paraît être une utilisation bon marché transcrit littéralement
de l'anglais " Memory " et totalement inadéquate. Je préfère que
nous parlions d'espace de rangement, de faculté à stocker les
informations, de capacité à piloter un ou plusieurs logiciels,
mais surtout pas de " mémoire ". De plus si l'on n'y prend garde,
" elle " disparaît ou s'efface avec une rapidité étonnante, il
faut donc effectuer des copies par sécurité, et il faut en avoir
de plus en plus si l'on veut piloter des logiciels occupants de
plus en plus d'espace, si l'on suit le vocabulaire proposé, qui
mange de plus en plus de mémoire, quelle horreur !... la machine
va finir par me prendre le peu de mémoire qui me restait.
La presse comme à son habitude aime les formules chocs qui font
ses titres et ses parts de marché, elle a inventé " Les autoroutes
de l'information ". L'avancée technologique d'une chaîne de télévision
et sa capacité à être, la première sur le terrain est donnée comme
preuve de la valeur de l'information transmise. À cause des progrès
de la technologie, de l'allègement des matériels audiovisuels,
l'apparition des cars SNG (Satellite News Gathering) qui permettent
aux journalistes, où qu'ils soient, et grâce à une liaison satellite
permanente d'intervenir à tout moment en direct sur les antennes.
Ainsi les périodes d'actualités baptisées " chaudes " font les
belles heures de ces télévisions.
La Chaîne américaine « CNN » est devenue le modèle qu'il faut
atteindre si l'on veut être crédible. Il faut entre l'apparition
du fait, pouvant donner lieu à une information, donc à un événement,
et sa réception par le téléspectateur être le plus rapide. C'est
sa compétence à remplir ce contrat technologique qui permet à
la chaîne de convertir son " idéal " en réalité, (et, bien entendu,
en part de marché) du moins à s'en approcher toujours davantage.
Elle devient la référence, elle devient la mémoire à partir de
laquelle les autres médias vont se référer, ainsi chacun parlera
et se référera à l'autre.
Information-désordre-effraction-spectacle
Parmi le volume colossal « d'informations » qui sont transmises
chaque jour, beaucoup font en effet état « deésordre-Infraction
». Désordre et Infraction à l'ordre du monde, infraction à l'ordre
de la nature, infraction aux lois de la société, infraction à
l'ordre moral, infraction à la loi du plus fort, etc ...
L'information ne vaut que si elle présente un caractère d'infraction
aux règles présumées : Un tremblement de terre, une inondation,
un détournement d'avion, un accident de chemin de fer, un coup
d'état aux antipodes.
Voici quelques-unes des « informations » qui peuvent faire les
titres de l'actualité du jour. L'information, pour exister doit
être également spectacle, ainsi elle tord, déforme la nature des
choses, mais capte l'auditeur, car quoi de plus naturel qu'un
tremblement de terre. C'est la conséquence du mouvement des plaques
tectoniques, mais la terre est nié s'il elle ne tremble pas.
De la même façon qu'elle a pu ne jamais nous informer sur la culture,
la langue ou le régime politique de ce pays lointain où l'on dit
maintenant qu'il y a un coup d'Etat. Ceci est la règle de l'information,
il faut qu'elle soit Information-Infraction-Spectacle.
Pour qu'un fait se transforme en information, il faut qu'il se
passe quelque chose, présenté comme étant anormal dans les mémoires.
Il faut que l'ordre supposé normal du monde soit rompu. S'il n'y
a pas de désordre, il n'y a pas non plus d'information, pas de
spectacle.
Un train qui arrive à l'heure n'est pas une information, c'est
celui qui arrive en retard qui en est une. Pourtant, moi l'usager,
j'ai besoin d'avoir l'horaire des trains qui partent et arrivent
à l'heure, ceux qui arrivent en retard ne m'intéressent pas, sauf
si je suis dedans et que, j'ai par ce fait raté ma correspondance.
Sans ces bons horaires, je ne pourrais jamais utiliser de manière
fiable ce moyen de transport.
Désignant en toutes choses l'instabilité du monde, l'information
télévisée renforce la croyance que celui-ci est stable, ou devrait
l'être, ou pourrait l'être. C'est la rupture qui introduit l'infraction,
la catastrophe le spectacle.
Pourtant ce qui est la règle, c'est le désordre et non pas l'ordre,
sans le big-bang nous ne serions pas là. L'infraction a aussitôt
des allures de catastrophe par le traitement que l'information
télévisée lui fait subir, et ne devrait pas exister mais elle
existe pourtant tous les jours.
Nos mémoires sont ainsi construites, modelées par le prisme de
l'information-désordre-effraction-spectacle. Cet à priori correspond
en fait au rôle que s'attribue l'État.
Le désordre-infraction-catastrophe-spectacle met en valeur l'action
de l'État. À peine est-elle survenue, quelle que soit sa nature,
une inondation, un déraillement de train, l'incendie d'un hospice,
elle déclenche aussitôt la mise en mouvement d'un ministre, ou
mieux celle du Président de la République, parfois il se rend
immédiatement sur les lieux. Il s'agit tout à la fois de compatir
au sort des victimes, et d'annoncer des mesures propres à éviter
le retour de telles catastrophes. Peu importe que ces mesures
soient totalement inefficaces, l'actualité aura tôt fait de les
recouvrir avec de nouvelles informations « infraction-catastrophe-spectacle
».
Un clou chasse l'autre. Au moins les représentants de l'État seront-ils
intervenus sous le coup de l'émotion, ils se seront montrés de
tout cur avec les victimes, soignant ainsi leur image médiatique
et les futurs bulletins de vote en leur faveur.
L'action de l'État c'est le rétablissement de l'ordre dans le
désordre. L'État donne une image de la stabilité qui devrait régner
en toutes choses. Il fournit un modèle de stabilité et d'équilibre
dans un monde en proie à l'instabilité. Il constitue le pôle de
l'actualité auquel le téléspectateur peut se raccrocher en toute
confiance. L'État veille sur nos mémoires, l'État est là pour
construire la « Mémoire de la Nation, sa mémoire collective, son
histoire ».
La mémoire collective.
Concept à priori clair et concret, il signifie pour la plupart
d'entre nous les souvenirs communs, l'histoire de notre peuple,
de notre communauté. Or la mémoire collective est un concept abstrait,
inventé par les historiens, où de manière sous-jacente, et le
pouvoir l'utilise comme ciment de l'identité nationale. Selon
la manière dont le souvenir sera orienté, ranimé, déformé, il
pourra donner naissance à des dérives, patriotisme étroit, chauvinisme
exacerbé, pour déboucher dans l'ultra nationalisme le plus dangereux
de tous. Aussi l'historien est-il confronté à collecter des informations
de sources différentes, s'il veut tenter de faire un travail objectif,
et ne pas être désigné comme un scribe au service du pouvoir en
place. Partant de cette réflexion, la mémoire collective ne peut
être que partielle, puisque dirigée, ce ne sont que des morceaux
de souvenir choisis officiellement ou objectivement. En conséquence,
ils n'ont que peu de rapport avec moi, puisque déjà ma " mémoire
" n'a qu'une partie infime à voir avec celle de ma sur, la sienne
est féminine, et je suis un homme, le résultat est qu'elle n'a
rien à voir avec mon voisin de classe, excepté les quelques rares
moments forts vécus en commun. Ce qui à plus forte raison n'a
rien à voir avec mon compatriote qui habite à cent mètres de chez
moi, qui n'est pas de la même génération que la mienne, ni du
même rang social, ni de la même profession etc ...
En fait, l'historien entretient avec la mémoire collective plus
ou moins les mêmes rapports douteux que le monteur de film qui
a à sa disposition trois heures de " rush " et doive à partir
de ce matériau baptisé " brut " en faire trente minutes " montées
". Il devra couper et coller des morceaux de demi réalité saisie
afin d'en faire ce qu'il pense être un discours visuel cohérent.
Certes, il le sera pour les personnes qui parlent, comprennent
son langage, pour les autres ! ...
Imaginons simplement des personnes qui n'ont jamais de leur vie
vu un film, ce qu'ils auront sous les yeux tiendra davantage de
la magie, de l'incompréhensible, de l'inexplicable, mais en aucun
cas d'un langage cohérent, et encore moins de mémoire collective.
En conclusion, la mémoire collective est une vue beaucoup trop
large pour une chose imposée de manière si parcellaire.
Nous avons été formés à classer la mémoire en deux grands camps,
l'une serai personnelle, l'autre historique, et c'est bien là
notre drame, il existe des quantités de mémoires, à nous de les
détecter afin de les hiérarchiser.
Histoire Mémoire et Caméra.
Il y a une quinzaine d'années, s'étaient réunis à Paris des personnes
ayant pour objectif de constituer un groupe d'animateurs, pour
la création d'un festival de cinéma, qui aurait eu comme axe essentiel
l'Histoire. Chacun à tour de rôle tentait de définir les contours
et le contenu des programmes de ce futur festival.
Pour ma part je pensais que du fait d'avoir opté très tôt dans
ma vie professionnelle pour le cinéma documentaire, j'avais toujours
pensé que je me plaçais au carrefour de l'histoire et de la mémoire,
donc au première loge de la présuposée «information». Le fait
de filmer les hommes qui faisaient l'Histoire me mettait en position
de témoin privilégié, de ce fait au lieu de la subir, j'en étais
le témoin parfois central ou périphérique, donc je vivais le présent
qui serait la mémoire historique.
Puis, m'est apparu le fait suivant, (selon que je me trouvais
au Japon, au Chili, en France ou en Bosnie-Herzégovine), résultait
d'un tas de phénomènes, d'une quantité de circonstances). De plus
si j'étais à Tokyo, Santiago, Paris ou Sarajevo c'était également
la conséquence d'opportunités dues à des facteurs à la fois désirés
et incontrôlés, le fait d'avoir ma caméra dans le quartier de
Ginza à Tokyo, plaza de la Monedad à Santiago du Chili, place
de la Concorde à Paris ou dans Marsala Tita à Sarajevo était également
la résultante de choix imposés ou arbitraires dus à mille occasions.
De plus, selon le choix de l'angle ou de l'objectif que j'utiliserai
j'imprimerai de façon consciente ou non, une vision grossissante,
donc déformée de la réalité se trouvant sous mes yeux. Je ne pouvais
dans ce cas capter qu'une infime portion de ce que les archivistes
des cinémathèques classeraient plus tard comme " Documents historiques"
" Documents de la Mémoire " d'une époque et d'un lieu donné. Ma
sensation d'être dans l'histoire, collecteur de mémoire devenait
totalement faux.
Car l'histoire du cinéma et la mémoire historique de l'humanité
ne sont en rien comparables. L'histoire avec un grand H n'appartient
pas à l'homme, encore moins à celui qui prétend en capter des
brides, des morceaux. L'Histoire lui est imposée comme une force
étrangère sur laquelle il n'a aucune prise, car, dans la majorité
des cas, elle est la mémoire officielle des États qui ont en charge
de se graver une histoire officielle.
Par contre l'histoire du cinéma est née de la liberté des hommes
créateurs, tantôt banals ou serviles, tantôt avec génie, tantôt
bassement commerciale ou au service d'une propagande idéologique
qu'ils partagent ou subissent.
Par son histoire personnelle, un film documentaire ou de fiction
est davantage la révélation de la nature de l'auteur, que ce que
l'auteur croit révéler aux spectateurs, et c'est en cela que l'uvre
cinématographique devient un objet culturel de mémoire à consommer
ou à rejeter selon le bord où l'on se trouve où crois se trouver.
En conclusion il n'y a pas pire mensonge que le cinéma surtout
lorsque celui-ci se prétend : " Cinéma vérité ".
Avec l'arrivée de l'électronique et du tout "numérique " cela
sera encore plus faux, puisque je pourrais à loisir fabriquer
des images de Tokyo, Santiago, Paris ou Sarajevo sans jamais y
avoir mis les pieds, et sans même me soucier de savoir où ces
villes se situent sur la planète.
Un siècle plus tard nous voilà revenus au temps ou Georges Méliès
fabriquait dans son garage de la banlieue parisienne, le procès
" authentique " de l'affaire Dreyfus ou le couronnement d'Henri
VIII, en mettant en scène des sosies de ces personnages de l'histoire.
Les spectateurs de l'époque étaient bernés, ceux d'aujourd'hui
aussi le sont, mais différemment, ils le seront encore davantage
à l'avenir, surtout avec l'arrivée de l'image numérique permettant
tous les trucages et toutes les manipulations.
" Info ou Intox "
La télévision française avait, il y a un certain temps produit
et diffusée une émission qu'elle avait baptisée " Info ou Intox
" les personnes invitées sur le plateau devaient visionner un
reportage et ensuite se prononcer sur l'une ou l'autre formule.
Dans la majorité des cas, les gens se trompaient, la télévision
par cette émission avouait implicitement qu'elle était un formidable
outil de manipulation. Dernièrement une révélation faite par la
presse américaine aurait pu s'intituler : " Mensonge Mémoire et
Vidéo ". Les déclarations de monsieur Alvin A. Snyder*, paru dans
le Washington Post, et repris le 2 septembre 1996 par le Herald
Tribune et le Monde, donne un éclairage bien différent sur ce
qui fut considéré, il y a quinze ans comme une attaque aérienne
sauvage sur un avion civil perpétré par les forces militaires
soviétiques. Depuis que le rapport final de l'Organisation de
l'Aviation civile internationale a révélé, en 1993 la totalité
des enregistrements, monsieur Alvin A. Snyder considère que les
autorités américaines ne lui avaient donné, pour constituer sa
cassette, qu'une " Information sélective ". Monsieur Alvin A.
Snyder avait, à la demande du département d'État américain, élaboré
un document vidéo à partir des enregistrements réalisés par les
services d'écoutes, qui retraçaient la conversation des pilotes
soviétiques. Le document, fut diffusé lors d'une séance du Conseil
de Sécurité des Nations Unies, le 6 septembre 1983, et retransmis
dans le monde entier par satellite. Cette cassette tendait à démontrer
que, contrairement au dire des Soviétiques, les feux de navigation
de l'appareil coréen étaient allumés, et que les chasseurs soviétiques
ne se souciaient pas de l'identité de leur cible, qu'ils ne désignent
dans la cassette que par le terme d'" «objectif». Aucune allusion
n'était faite à un quelconque avertissement de leur part. La vidéo
diffusée était " forte, efficace, mais fausse " déclare aujourd'hui
M. Snyder.
Les autorités américaines savaient que la destruction du Boeing
- 747 de la Korean Airlines (KAL), le 31 août 1983, qui fit 269
morts par l'aviation soviétique n'était pas délibérée de la part
des soviétiques, Moscou pensait, en fait, avoir affaire à un avion
espion américain RC-135. Elles avaient délibérément passé sous
silence les paroles du contrôleur au sol. Les responsables du
gouvernement américain connaissaient le contenu des enregistrements.
Ceux-ci prouvaient que le général Osipovich pilote du SU-15 soviétique
ne pouvait pas identifier l'avion, qu'il a bien tiré des " coups
de semonce " et battu des ailes, signal international pour forcer
l'avion à atterrir.
*Monsieur Snyder ancien directeur de la télévision pour l'agence
publique d'information américaine vient de publier récemment un
livre intitulé : «Les Combattants de la désinformation» : la propagande
américaine, les mensonges soviétiques et la victoire dans la guerre
froide.
Il n'y a donc qu'un seul cinéma historique qui puisse aborder
l'histoire et la mémoire ce n'est pas le cinéma documentaire car
il est lui-même pris par son propre langage, mais celui de la
fiction qui certes n'est jamais une image juste de l'histoire
et de la mémoire, mais pour paraphraser Jean Luc Godard juste
une image de celle-ci.
L'amnésie programmée du pouvoir.
Tout le monde se souvient des deux versions de la même photographie,
sur l'une on peut voir Léon Trotsky près de Lénine, sur l'autre
Trotsky a disparu. Le pouvoir Stalinien avait rapidement compris
ce que peut-être des cinéastes comme Dziga Vertov avec son film
" La caméra il " film bourré d'effets spéciaux lui avait suggéré
inconsciemment : l'utilisation du trucage de la photographie comme
moyen de falsification, et de modification à l'écriture de l'histoire.
Il est curieux de constater que quel que soit le pouvoir et les
époques, celui-ci à toujours besoin de se refaire une sorte de
virginité, afin d'offrir à ses sujets, son peuple, ses citoyens
un hymen flambant neuf à consommer sur l'autel de la Nation, une
manière de le rendre complice de la tricherie, car il en aura
été le consommateur, ainsi le nouvel État se fait une toilette
historique.
Il a pour réaliser ce projet plusieurs voies, soit en installant
un système de censure, soit en remaniant les manuels scolaires,
et là s'offre à lui deux autres routes: "L'amnésie", nous l'avons
abordé avec l'exemple de la photographie, le Peuple qui n'était
pas présent à l'événement ne pourra jamais se rappeler que Trotski
était présent ce jour-là, par contre la diffusion massive de la
version truquée deviendra pour un temps la mémoire collective
de ce peuple trompé. Et puis, il y a le " Mensonge ", je crois
que le plus bel exemple que nous avons, et qui me vient à l'esprit,
nous le devons au système de l'enseignement colonial dans l'Empire
Français lorsque ses instituteurs, tous formés à la " laïcité
" de Jules Ferry faisaient répéter aux enfants africains, antillais,
maghrébins, canaques, tahitiens etc. ? Cette phrase devenue légendaire
aujourd'hui mais s'imprimant dans les mémoires d'alors: Nos ancêtres
les Gaulois ...
Mémoire fabriquée.
La mise en place d'un nouveau pouvoir utilise parfois une mémoire
fabriquée, de toutes pièces, où à partir d'une réalité historique
n'ayant laissée que peu de trace dans les manuels scolaires, il
devient alors facile de déformer, tronquer, manipuler les faits
pour offrir une histoire dotée d'un nouveau visage et de manuvrer
ainsi les populations, ignorantes.
Ces dernières années, en Yougoslavie nous avons pu assister à
la manipulation de la mémoire collective, lancée par Slobodan
Milosevic et l'Église national orthodoxe serbe dans le projet
de la grande Serbie, idée qui a ses racines chez Petar Petrovic
Njegos évêque orthodoxe Monténégrin, et auteur de "La Couronne
des montagnes", il fonde l'idée de haine envers les Musulmans
: "La terre pue les collaborateurs turcs, il faut les exterminer,
il faut tuer tous ceux qui appartiennent à l'islam. Ce livre a
représenté l'incitation la plus drastique à l'extermination des
Bosniaques, c'est le testament spirituel à la base duquel a été
effectué le génocide des Musulmans, à la base duquel ont été détruites
les mosquées, à la base duquel les Serbes ont tué et violé les
femmes Musulmanes.
Slobodan Milosevic en s'appuyant sur quelques historiens nationalistes
acquis à sa cause, donna ainsi à leurs propos publiés dans le
mémorandum de l'Académie Serbe des Sciences et des Arts de Belgrade
un " label " scientifico-historique. Pour l'énorme majorité de
la population paysanne Serbe, ces paroles ne pouvaient être mis
en doute.
De plus elles furent relayées par celles de l'Église orthodoxe
Serbe, la mise en cause de la parole divine devenait alors impossible.
La parole vérité tombait du ciel. Les clés du mécanisme étaient
en place, il ne restait plus qu'à mettre la machine à laver la
mémoire collective en route, ce qui fut fait. Dans un premier
temps, l'Église Orthodoxe marqua les limites des nouveaux territoires
Serbes par une série de processions religieuses appelant les fidèles
à défendre la terre Serbe, le relais fut passé au politique, qui
donna toute sa dimension en transformant une défaite militaire
vieille de six siècles, en victoire Serbe. La Serbie se plaçant
en rempart de la chrétienté face à la barbarie musulmane. Le 28
juin 1989 Slobodan Milosevic stigmatisa la foule qu'il avait fait
venir nombreuse en autobus de Belgrade pour assister à la Célébration
du 600 éme anniversaire de la bataille de Kosovo, et à la renaissance
Serbe sur l'emplacement où le 20 juin 1389 les troupes ottomanes
remportèrent sur les serbes et les Bulgares une victoire qui mit
fin à leur indépendance. Il a tenu ce jour -là des discours ultra
nationalistes, les Albanais du Kosovo bloqués par la peur sont
restés chez eux. À partir de ce jour, il pouvait lancer sa machine
de guerre. Rien n'arrêterait le nationalisme Serbe après ce lavage
de cerveau de sa propre mémoire; allant jusqu'à oublier leur propre
mythe et légende, lorsque le 6 mai 1993 il fit voler en éclats
la mosquée Ferhadija, que Ferhad Pacha fit bâtir à Banja Luka
entre 1574 et 1588, l'histoire veut qu'il ait été le frère de
Mehmed Pacha qui fit édifier le pont de Visegrad, les deux hommes
auraient été des enfants serbes donnés en tribu aux Turcs pour
êtres élevés en Janissaires. Le combat continue puisqu'en octobre
96 les séparatistes serbes poursuivent leur travail de " purification
ethnique ". Ils refusent que les musulmans reviennent dans leurs
anciens villages, détruisent les maisons à l'explosif. Dans le
centre de Banja Luka, où des diplomates occidentaux sont reçus
chaque jour, ils ont envoyé leurs bulldozers afin d'effacer les
derniers vestiges de la mosquée Ferhadija. Les engins de chantier
ont achevé de niveler le terrain. À la place, on en fera sans
doute un parking. Aujourd'hui le plan continue à être appliqué
en direction des habitants d'origine albanaise du Kosovo.
In memoriam.
L'historien africain Joseph Ki-Zerbo qui a dirigé durant de nombreuses
années l'institut d'histoire africaine et malgache à Ouagadougou
me disait un jour qu'il avait toutes les peines du monde à voir
mourir un vieil homme en Afrique. Il avait le sentiment qu'une
bibliothèque flambait, qu'une mémoire s'éteignait à jamais. Je
pense pour ma part que nos cimetières sont chargés d'une autre
mémoire que la sienne, si nous voulons nous approcher d'autres
chemins de la mémoire, nous devons commencer pour écrire notre
histoire aborder le premier chapitre par nos cimetières. En commençant
par une première promenade dans les cimetières militaires, elle
nous révélera par exemple que lors de la première guerre mondiale,
la France a fait payer le prix du sang aux ressortissants de ses
colonies, ce qui ne l'empêche pas aujourd'hui d'avoir la mémoire
très courte en reconduisant hors de ses frontières manu militari
des Africains sans papiers. Cet État est bien oublieux de son
passé quand cela l'arrange, c'est le même État qui jalonne l'année
d'un certain nombre de jours " Mémorables ", la fête nationale
en est le premier. L'Église agit de même, et selon qu'il y ait
ou non séparation de l'Église et de l'État, il y a ou non-dissonance
dans ces jours mémorables. Ce qui est Mémorable pour les un ne
l'est pas obligatoirement pour les autres. La construction de
l'Historial pour «la première Guerre Mondiale» dans la ville de
Péronne dans le nord de la France, ou du Mémorial de Caen pour
«la seconde Guerre mondiale», sont conçus afin d'être des outils
de culture et de communication, mais ils forgent dans le même
temps " La mémoire Sacralisée ". Il est dangereux d'écrire le
passé, à partir de témoignages qui avec le temps sont chargés
d'oublis, ils deviennent rapidement une mémoire faussée, mais
chargés de sens, proche de celui du sacré, le temps y participe
aussi, et surtout à cause du lieu qui la diffuse. Si l'extrême
droite oublieuse et ,ses adeptes prenaient la peine de lire les
noms qui sont gravés sur les pierres tombales, et particulièrement
des cimetières du nord, et de l'est de la France, ils y découvriraient
une partie de la mémoire ouvrière. Elle leur apprendrait en décodant
les inscriptions des stèles, une partie de l'histoire ouvrière
de notre pays.
Soit par la mise en lumière d'une date rappelant une catastrophe
minière, soit par le nom désignant la nationalité de ces travailleurs
qui n'étaient pas nés là, mais y sont morts quand même. Cependant
les thèses de l'extrême droite française dans un programme récent
rédigé par l'ex maître à penser du Front National Bruno Mégret
(les facistes ont la mémoire courte, et guère de reconnaissance
pour les leurs dès que ceux-ci les gênent) continuent leur travail
de manipulation en affirmant que les règles de la Démocratie doivent
êtres strictement subordonnés à l'existence « d'un peuple authentique, c'est-à-dire à une communauté d'hommes
et de femmes qui se reconnaissent mutuellement comme proches les
uns des autres par la culture, la foi, le sang, et l'histoire
».
Mémoire temps.
Le patronnât anglais, au milieu du XIXe siècle comprit rapidement
l'utilisation possible de l'oignon, cette montre de poche fabriquée
à cette époque, en grande série, presque de façon industrielle,
allait devenir pour lui un élément de pouvoir et de contrôle sur
la mémoire temps. Il allait pouvoir grâce à ce marqueur de temps
délégué une partie de son pouvoir. Dans ce dessein, il inventa
une cérémonie pour remettre l'objet indicateur de temps à l'heureux
élu, qui recevant ce cadeau des mains du patron grimpait ainsi
dans la hiérarchie ouvrière pour arborer le grade de contremaître.
Celui-ci muni de l'outil de contrôle du temps, allait au fil des
ans, pouvoir contrôler " Le Temps " de ses ouvriers, sa mémoire
ne serait plus jamais en défaut avec l'arrivée de la pointeuse.
Le marquage du temps est un des éléments importants de la mémoire
ouvrière, c'est avec lui qu'ils se rappellent l'année où ils ont
fait la grève pour telle où telle revendication, c'est avec le
temps que la mémoire est jalonnée de marque permettant son écriture,
mais c'est aussi avec le temps que la mémoire s'altère.
D'une autre façon, le temps est là pour rappeler à notre mémoire
l'anniversaire de l'être bien aimé, ou l'accident qui nous est
arrivé. Il est curieux de constater que la mémoire familiale s'imprime
et s'organise dans sa majorité autour de la table, quel que soit
l'âge, le nombre et le sexe des individus qui la compose c'est
le seul endroit où elle se cristallise à l'unisson, car c'est
aussi le seul endroit où la famille dans sa globalité peut se
réunir, où les événements marquants pour le groupe vont se dérouler.
Repas quotidiens, dominicaux, anniversaires, de fêtes, de mariages,
d'enterrements. C'est autour des joies et des peines que la mémoire
familiale se construit. C'est une mémoire de souvenirs.
De courte Mémoire.
La salle est noire, un seul projecteur éclaire l'artiste et, met
en valeur son habit sombre aux revers satiné, et son chapeau haut
de forme d'où il fera sortir d'un coup de baguette, deux colombes,
un lapin angora et des quantités de foulards de soie multicolore.
Le magicien, le truqueur, le marchand d'illusions gagne son pain
par son savoir faire et la complicité naïve du public venu l'applaudir
pour rêver un moment. Le magicien est muet, vous avez remarqué
qu'il ne parle jamais ? Son faire valoir est en général une jeune
femme blonde, elle sera pendant la durée du spectacle sa complice,
sa comparse, son assistante, elle attirera sur elle les regards
au moment où il aura besoin de la fraction de secondes lui permettant
d'escamoter un élément de l'outillage qui lui est nécessaire pour
réussir son escroquerie visuelle.
À l'inverse l'homme politique parle, il parle sans arrêt, il promet
des quantités de choses qui ne pourront voir le jour car il n'en
a pas le pouvoir, il le cherche et ne l'obtiendra que si les citoyens
remplissent l'urne d'où il extraira sa force. La magie électorale
aura joué en sa faveur si son verbe a été à la hauteur du public
et celui-ci à la sienne. Pour attirer les regards, il aura recours
non pas à l'image d'une jolie fille sortie d'un concours de "
Miss " quelque chose, mais en flattant les espérances de ses concitoyens,
qui espèrent qu'avec " lui " la condition sociale changera. Aussi
il bercera ses électeurs d'illusions. Celles-ci prendront l'apparence
d'une possible réalisation, d'un vrai changement, le piège est
refermé, il les aura enfermés dans son chapeau, pour en sortir
ils devront attendre de nouvelles élections car il le sait, l'homme
de la rue a la mémoire courte.Sa baguette magique si l'on peut
faire se parallèle est la Télévision, cet outil qui lui permet
de pénétrer dans chaque foyer à l'heure du repas.
Un récent sondage vient de démontrer notre courte mémoire, l'enquêteur
était muni d'une série de dix portraits, de fonctions et de noms,
d'hommes politiques, ministres en fonction. La personne sondée
devait placer les noms et la fonction occupée sur les visages,
moins de 15% des personnes interrogées étaient en mesure de le
faire sans trop de faute.
Le reste était incapable de mettre un nom et une fonction sur
les visages qui lui étaient présentés et, qu'elles voient au moins
une fois par semaine à la télévision ou dans leurs journaux.
Mémoire occultée.
C'est une chose bien connue, nous savons depuis Freud que notre
inconscient classe nos souvenirs de manière en général à nous
faire souffrir le moins possible, il y a, bien entendu, toujours
l'exception qui vient là pour confirmer la règle. Aussi, notre
mémoire est que nous le voulions ou non, bien incomplète. Notre
cerveau a la capacité de classer ce qui lui convient, et la science
d'occulter ce qui le dérange.
Savant de ce principe, nos dirigeants ont à partir de ce champ
de probabilité, la possibilité de construire une mémoire nationale
sur mesure, il n'est donc pas question d'être animé par un souci
de clarté et de justice, afin d'écrire une histoire objective,
cela serait immédiatement pressenti et qualifié par l'opposition
quelle qu'elle soit, d'un je ne sais quel masochisme déplacé.
Car si elle était au pouvoir à son tour elle aurait des moments
de son histoire à ne pas mettre en lumière, c'est pourquoi les
coins d'ombres sont avant tout les éléments qui font les choux
gras d'une certaine presse, qui dans la plupart des cas ne fera
qu'ajouter une ombre encore plus forte.
C'est pourquoi il est bien difficile de s'informer, il faut surfer
en permanence sur le fil du rasoir qui oscille entre l'information
et la désinformation. Quand les médias mettent l'accent sur tel
ou tel événement, il faut toujours se poser la question pourquoi
mettent-ils l'accent sur ce point particulier de l'histoire, ou
de la mémoire, que veulent-ils à tort ou à raison, conscient ou
non, masquer ? Ici, c'est comme sur les voies ferrées, une mémoire peut en cacher
une autre.
Mémoire figée.
Ce qui me fait penser à cette expression : " De sinistre Mémoire
", qui n'a en soi rien de sinistre, mais elle est généralement
marquée par une histoire qui avec le temps a subi un effet de
loupe. Grossissant de manière démesurée son aspect sombre, mais
cela peut-être aussi une histoire forte, que l'inconscient pour
des raisons diverses n'a pas pu occulter. Imaginez que vous fassiez
un voyage plus ou moins long dans le temps hors de chez vous,
pendant ce temps les choses, les hommes auront changés, le paysage
que vous connaissiez se sera modifié, et pourtant les images d'avant
votre départ, soit sous forme de film, de cartes postales, ou
de photographies familiales seront là pour vous montrer que votre
mémoire est restée figée, votre mémoire sera tronquée des changements
qui se sont opérés en votre absence, elle les plaquera sur une
réalité, qui s'est modifiée de ce fait les morceaux ne raccordent
pas exactement avec ceux que l'on avait emporté. Les vieux habitants
de la ville de Managua, au Nicaragua où il y eu un tremblement
de terre dans les années 70 qui ravagea la ville à 95 %. Ont encore
l'habitude de dire pour situer un lieu : « Là où était la pharmacie
untel, ou la station d'essence machin chose ». Ils leur est impossible
se situer spacialement les choses sans faire référence à la mémoire
figée à telle point que si vous feuilletez l'annuaire des téléphones
les adresse sont indiquée en faisant référence au passé.
No Comments
La chaîne de télévision Européenne "Euro-News" bien consciente
de tout ce qui vient d'être énoncée tente de donner des images
différentes de celles que distribue ses consurs, elle a pour cela
deux cordes à son arc un programme qui s'intitule " No Comments"
et l'autre "C'était il y a un an". Il est toujours surprenant
de voir les images de "No Comments" muettes, sans aucun commentaire,
livrées comme si vous étiez un témoin à la chose, de faire sa
propre interprétation, puis de zapper sur une autre chaîne afin
de se rendre compte comment elles sont interprétées par le journaliste
et de comparer.
Quant à la deuxième émission. "C'était il y a un an" elle vous
place soit en situation de relativité avec le temps : Cela fais
déjà un an ! ou bien, « mon Dieu que c'est loin tout ça !». Ou
encore de comprendre que votre mémoire a complètement occulté
ce morceau d'histoire.
Comme de manière générale les occidentaux ont occultés une partie
de leur propre histoire au bénéfice d'un certain aveuglement.
L'exemple de Grenade qui a été durant sept siècles et jusqu'en
1492 le point de rencontre des cultures entre l'Orient et l'Occident,
n'est guère présent dans les mémoires, éclipser par le schisme
entre Byzance et Rome, cette séparation culturelle eut pour conséquence
une radicalisation de la prise de conscience d'appartenir à l'occident.
Pourtant sur le plan religieux les Européens sont Orientaux, ils
ont abandonné leur dieux, et choisis celui du "Livre", c'est à
dire de l'Orient. L'Église Byzantine c'est à dire Orientale jusqu'au
premier millénaire s'est considérée comme l'expression suprême
de la civilisation. L'Église autocéphale orthodoxe Serbe après
cette date s'est posée comme rempart de l'occident face à la barbarie
orientale, et c'est en reprenant ses thèses qu'elle a couvert,
justifié et bénis l'épuration Ethnique en Bosnie face à une Europe
lâche et consentante, car véhiculant également dans son inconscient,
le même rejet face à l'orient.
L'Occidental serait donc une conception de la personne en tant
qu'individu, avec toutes ses racines religieuses orientales que
son inconscient, et l'État dont il est le citoyen, refuseraient
consciemment.
En 1680 naissait en Angleterre le mot "monothéiste", ce pays se
lançait alors dans son aventure Impériale. Plus tardivement le
concept et le mot arrive en France en 1836 qui à son tour se lance
dans l'aventure coloniale. J'ignore si il y a une relation directe
mais les faits sont là, c'est avec le sabre et le goupillon que
les conquêtes se sont faites. Les religions Occidentales dites
monothéistes toutes basées sur l'amour et le respect du prochain
ont suscitées des dizaines et des dizaines de guerres. Belles
contradictions, car c'est par elles, et à cause d'elles, que ces
guerres dans une large mesure ont put exister.
Manipulation des Mémoires
Nous pourrions penser que "La Mémoire Laïque" est celle des manuels
d'Histoire enseignés dans les écoles publiques donc laïques en
opposition aux écoles religieuses. L'esprit cartésien, c'est l'idée
qu'une pensée n'est véritable que si elle est "universalisable",
sinon c'est une croyance.
"J'ai le droit d'avoir des croyances, mais si je suis cartésien,
je n'ai pas le droit de les considérer comme de véritables pensées.
Car la pierre de touche de la véritable pensée, c'est l'universalité".
René Descartes (1596-1650)
Cependant pour que le concept de laïcité puisse exister, il a
besoin de la culture occidentale pour naître, alors que cette
même culture est empreinte de religion, cette dialectique apparemment
toute orientale ne serait pourtant que la reconnaissance d'un
pouvoir politique face à un pouvoir religieux auquel il faut inclure
le droit à l'incroyance dans le concept de laïcité, et qu'il soit
garanti par le pouvoir politique et religieux. Or nous nous apercevons
à la lecture des manuels scolaires français par exemple, pays
qui depuis près d'un siècle a réalisé sa séparation de l'Église
et de l'État, qu'une quantité d'exemples anachroniques subsistent.
Sans en faire une liste exhaustive, le ministre de l'intérieur
de la République est entre autre, le ministre des cultes, les
trois départements d'Alsace et de Moselle étaient allemands lors
du vote des lois de séparation de l'Église et de l'État le 9 décembre
1905, de ce fait après leur retour à la France, ils sont restés
soumis au système antérieur, celui du concordat signé en 1801
entre la France Napoléonienne et le pape Pie VII, pourquoi ?
De ce fait la religion musulmane, n'est toujours pas reconnue
à ce jour etc... En 1996 la venue en France du Pape à Reims pour
célébrer le Baptême de Clovis a relancé la polémique à ce sujet,
l'État doit-il ou ne doit-il pas payer le voyage papal, la réponse
se trouve dans le compromis avec une interprétation de la loi
faisant que l'État paye la moitié du voyage.
Ce a qui fait dire au directeur de la Bibliothèque nationale.
" La loi a été appliquée comme si l'on pouvait dire qu'une femme
est un petit peu enceinte. Or, elle l'est, ou ne l'est pas, mais
elle ne peut être à moitié enceinte".
Mémoire occidentale
L'écrivain russe Alexandre Zinoviev, pense qu'après la deuxième
guerre mondiale un nouveau phénomène social est apparu à l'ouest
qu'il baptise "Occidentisme" ou "Ouestisme", il pense que la société
occidentale est généralement définie comme une société capitaliste,
qui manipule le cerveau humain à travers le cinéma, la publicité,
la télévision etc ... Entre autre il dit: "L'Occidentisme est
une résultante de la guerre froide en même temps qu'une arme de
cette guerre, la première tâche historique de l'Occidentisme a
été de détruire le monde communisme et d'empêcher une évolution
futur de l'humanité vers le communisme, ensuite après avoir gagner
la guerre froide l'Occidentisme a entrepris d'accomplir sa deuxième
tâche qui était d'organiser l'humanité et d'être le leadership
du monde occidental. Prenons l'exemple de la Russie, aujourd'hui,
les dirigeants idéologiques et politiques Russes tentent d'imposer
à la population le mode d'organisation occidental, économique,
idéologique, politique ou culturel, cela signifit-il que la Russie
va faire partie de l'occident non ! Jamais ! Mais le résultat
c'est la destruction de ce pays. La Russie a été tuée, ce pays
est en train de mourir, aujourd'hui la Russie est devenue une
région de colonisation aux yeux de l'occident, je n'accuse pas
l'occident, je ne pense pas personnellement que cela soit le résultat
de l'intention malveillante de gens mauvais ou stupides, c'est
d'une importance vitale pour l'occident s'il veut survivre et
maintenir le niveau que la civilisation a atteint. L'occident
est condamné à jouer ce rôle dans l'histoire".
Mémoire et patrimoine
Chez chacun d'entres nous, il existe une mémoire, des souvenirs,
ils sont bien entendu très différents chez tout le monde. Même
si nous appartenons à la même classe d'âge, à la même région,
à la même culture, à la même classe sociale et avons assistés
aux mêmes événements, notre souvenir en est différent, nous en
avons une vision, une approche personnelle, ce qui est peut-être
bien mais ne fait pas l'affaire de l'État. Car pour exister l'État
a besoin que ses citoyens aient une mémoire collective. Aussi
depuis peu nous voyons apparaître la Journée du patrimoine. En
France c'est une journée où le public va visiter les différents
lieux où le pouvoir s'est exercé ou s'exerce de nos jours. Les
français, peut-être plus particulièrement les Parisiens à cause
de leur proximité avec le pouvoir sont fascinés par le palais
de l'Élysée, ils sont prêts à espérer dans la file d'attente pendant
quatre voir même cinq heures pour pouvoir mettre les pieds ne
serait-ce quelques secondes dans le bureau du chef de l'État,
ces visites sont vécues avec fascination et rêve par le public.
La grande majorité de celui-ci est surtout attiré par le mobilier,
il se sent un peu comptable de tout cela, c'est presque une visite
de propriétaire faisant l'inventaire de son patrimoine. Ces journées
sont lourdes de sens, sait-il ce public que ce patrimoine est
aussi celui de sa mémoire, de son comportement dans le passé,
celui de la colonisation, des complicités passées avec l'occupant
nazi, mais sont-ils les concessionnaires de ces pages peu glorieuses,
certes non, pourtant il est dangereux de faire le silence sur
le passé, ce n'est pas en cassant le thermomètre que l'on guérit
la maladie. Il est important de se souvenir mais attention à l'équilibre,
les pages de gloire ont une fâcheuse tendance à cacher celles
qui sont moins glorieuses.
Mémoire en forme de question
Nous pouvons nous poser la question: L'Occident est-il le résultat
d'un projet savamment élaboré, ou un accident de l'Histoire. L'Europe
est un continent qui bouge." De la Mongolie à la pointe du Finistère
en France, De Kiruna ville minière Suédoise près du cercle polaire
à Gibraltar en Espagne, les populations d'Europe se sont toujours
mélangées, entre mêlées. Un courant a traversé le continent, du
Sud-Est au Nord-Ouest, avec d'un coté la montée du monde latin
et méditerranéen et, de l'autre venant de l'Est à l'Ouest. Derrière
le premier pointait l'Orient, derrière le second l'Occident".
Pour beaucoup de peuples, principalement les pays du Sud, l'Europe
est dans leur mémoire synonyme: de domination, d'expansionnisme
marchand, de force militaire, de pouvoir religieux.
L'Europe de l'idée des "Droits de l'Homme" est en sans cesse à
construire et consolider, et ne peut se résumer à l'idée de liberté
individuelle pour celui de l'abandon de la communauté.
Aujourd'hui nous devons chercher à définir l'Europe, dû au fait
que dans les siècles passés celle-ci a dominé le restant du monde,
de toutes les manières l'Europe qui est en train de se construire
ne peut être une simple notion géographique ou économique, elle
doit pour avoir un sens et une mémoire lui donnant la force de
traverser les conflits être une Europe multiculturelle, posséder
autant de mémoires que de régions et ne pas tourner le dos à ses
racines orientales et méditerranéennes. Elle doit être une idée
de l'État de droit, du gouvernement dans la démocratie. Deux thèses
semblent s'opposer, parfois elles s'affrontent alors qu'elles
sont complémentaires, l'une fermée considérant la mémoire comme
un certain nombre de lieux, de faits inscrits dans l'histoire,
"fermé", ne pouvant plus évoluer, apportant à ceux-ci le respect
que l'on apporte aux morts, lui consacrant un certain nombre de
rites marqués par des repères idéalisés proche du sacré: Journées
du Souvenir, Journées du Patrimoine, Journées du Mémorial etc
... L'autre considérant que la mémoire est "ouverte", que ce qui
se déroule aujourd'hui, en ce moment même est un élément de cette
mémoire, de ce patrimoine, qu'il faut le recueillir pour le conserver,
sans tomber dans l'idolâtrie, mais afin de mieux comprendre aujourd'hui,
sous peine de n'avoir qu'une vue tronquée des choses, et de léguer
demain une mémoire qui n'aura été manipulée que le moins possible.
Je ne voudrais pas que vous puissiez penser que je prône la mémoire"totale"
celle ou rien ne serait oublié, celle qu'il faudrait avoir en
permanence à l'esprit. Je pense qu'il y a, et qu'il doit y avoir
une place à l'oubli, ne demandez pas à un individu qui a séjourné
dans les camps, qu'ils soient de réfugiés, ou de concentrations
d'avoir présent de façon durable cette "mémoire" ce serait invivable,
ce serait lui infliger une torture épouvantable, il ne pourrait
en aucun cas se reconstruire nous deviendrions ses nouveaux bourreaux.
Par contre nous ne devons jamais oublier que de telles choses
ont existé, et si nous n'y prenons garde elles risquent très rapidement
de recommencer.
Ayant mené une sorte d'enquête, de recherche, je dirai même d'investigation
autour des mots: information et mémoire. Il m'a paru utile en forme de conclusion de vous en donner les
quelques définitions que j'ai pu glaner dans mon dictionnaire.
Information nom féminin. du Latin informare, instruire « mettre au courant»
« Juge d'instruction».
I - 1 Action d'informer, de s'informer: l'information des lecteurs.
2 Renseignement, information fausse · Nouvelle communiqué par une agence de presse, un journal, la
radio, la télévision. 3 Eléments de connaissance susceptible d'être
codé pour être conservé, traité ou communiqué. 4 Cybernétique.
Facteur qualitatif désignant la position d'un système et éventuellement
transmis par ce système à un autre · Quantité d'information: mesure quantitative de l'incertitude
d'un message en fonction du degré de probabilité de chaque signal
composant le message.- Théorie de l'information, qui a pour objet
de définir et d'étudier les quantités d'information, le codage
de ces informations , les canaux de transmissions et leur capacité.
II - Droit, ensemble des actes d'instruction qui ont pour objet
de faire la preuve d'une infraction et d'en connaître les auteurs
· Bulletin radiodiffusé ou télévisé qui donne des nouvelles du
jour.
Mémoire nom féminin, du latin memoria . 1 Activité biologique et psychique
qui permet de retenir des expériences antérieurement vécues. ·2 Aptitude à se souvenir : avoir bonne mémoire, de mémoire : en
s'aidant seulement de la mémoire. de mémoire d'homme: du plus
loin qu'on se souvienne.memorandum neutre substantivité de l'adjectif
latin memorandus. P our mémoire : A titre de rappel .A la mémoire
de : en l'honneur de (un mort un événement passé ). 4 Informatique
organe de l'ordinateur qui permet l'enregistrement, la conservation,
et la restitution des données.
Le rôle du citoyen conscient
est de réveiller la mémoire.
Théo Robichet
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