"Identité, Etat, Religion et Laïcité en Europe après la chute du mur de Berlin"
 Sommaire

Qu'est-ce que

l'Institut pour la Mémoire Européenne ?


Georges PREVELAKIS

La notion de Nation à l'Est et à l'Ouest.


Ivan COLOVIC

Le mythe de l'identité nationale.


Tarik HAVERIC

Les identites individuelles, les identités collectives: nouvelles interrogations.


Patrick MOREAU

Les intellectuels face à la tentation populiste de droite en Europe et le retour du nationalisme.


Rafail FAINBERG Extrèmisme en Russie.
Panayote Elias DIMITRAS L'intolérance des Etats nation envers les minorités ethniques et religieuses .
Victor ELENSKY

L' Eglise Orthodoxe dans la société post-communiste: le cas de l'Ukraine.


Predrag MATVEJEVIC Intelligentzia et dissidence dans l'autre Europe .
 Olivier GILLET

Ecclesiologie Orthodoxe et Nationalisme en Roumanie


Accueil

L'lnstitut pour la Mémoire européenne


Une mémoire peut en cacher une autre ...

Théo ROBICHET

Le premier acte de toute dictature
consiste à supprimer l'Histoire.
Orwell

Notre siècle a mal commencé, il a fallu pour que tout bascule, que le 28 juin 1914, dans la ville de Sarajevo un jeune Serbe Gavrilo Prinzip, c'est son nom, fit passer de vie à trépas, l'héritier de l'Empire de Vienne, ce " Cher François Ferdinand". Je dis et j'écris "Cher" car il devait bien être cher vis-à-vis de quelques-un de ses proches. Finies les guerres régionales, avec leurs charges héroïques sabre au clair, celles que l'on raconte si bien dans les manuels scolaires, avec de jolies gravures afin de sensibiliser la fibre et la mémoire nationale du futur citoyen, qui à son tour irait défendre la patrie contre l'ennemi envahisseur, si celui-ci osait un jour franchir la frontière sans y avoir été invité. Finit, le vingtième siècle par le geste de ce jeune Sarajévien allait inventer la " première guerre mondiale ". Ensuite suivraient : les millions de morts les pogromes, d'autres guerres, avec leurs cortèges de déplacements de population, les révolutions, les contres révolutions, la deuxième guerre mondiale, la guerre d'Indochine, puis d'Algérie, le Vietnam, la Baie des Cochons, l'Iran contre l'Irak, le Liban, la chute du mur de Berlin, j'en passe et j'en oublie. La liste est trop longue. Bilan : deux guerres mondiales, une bonne centaine de guerres régionales et de libération. Puis est venu le temps de la "télévision" qui nous a offert un autre regard, elle nous a invité à nous former une autre mémoire, elle nous a permis d'assister en direct, et comme si on y était, avec les moments forts du "20 heures" c'est-à-dire, entre la poire et le fromage, que dis-je en permanence vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à l'histoire qui se déroule loin de nos yeux, mais présente malgré tout grâce aux communications satellites, et à la concurrence des chaînes. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, une étape a été franchie avec l'opération " Tempête du désert ". Le direct sur rien, sur une opération de frappe dite chirurgicale, sur une gigantesque campagne de bluff et de désinformation. Pour ma part, je trouve que les guerres au cinéma et surtout dans les films américains, c'est beaucoup plus spectaculaire qu'à la télévision, vous ne trouvez pas ?
Ce siècle nous a également donné en prime: un, deux, trois, quatre, cinq génocides. Un million et demi d'Arméniens, six millions de Juifs, trois millions de Cambodgiens, huit cent mille Ruandais, et pour terminer, mais je m'avance peut-être un peu vite, car il nous reste encore quelques années avant de passer dans le troisième millénaire et, donc pour finir je l'espère, "l'épuration baptisée Ethnique" en Bosnie-Herzégovine, et qui se continu au Kosovo. Dieu seul sait ce que nous sommes encore capables de concocter comme nouvelles sauvageries d'ici là. Tout cela comme si le vingtième siècle, siècle de grandes découvertes, scientifiques et techniques certes, était surtout celui de la progression exponentielle, de la destruction, de la mort, des malheurs de victimes innocentes, avec en plus pour couronner le final, son cortège d'obscurantisme que les intégristes religieux, toutes soutanes ou djellabas confondues développe actuellement sur toutes les latitudes. Voilà de quoi chambouler les mémoires. Car l'histoire est de plus en plus souvent re-écrite et revendiquée par des groupes nationaux pour justifier une politique fondée sur l'exclusion, tandis qu'elle est aussi devenue, par le biais des médias, un véritable spectacle échappant souvent à toute rigueur et à toute méthode d'analyse. L'analphabétisme historique est particulièrement dramatique au sein de certaine population et quasiment total chez les jeunes générations qui deviennent de ce fait des éléments offerts à toutes les manipulations politiques. Aussi nous constatons que la pensée de nos contemporains n'est guère connue, car abordée et diffusée la plupart du temps sous forme de résumé, sans doute pour être plus " DIGEST ". Certes les télévisions nous abreuvent d'images, cependant, elles ne nous communiquent, en général, que des extraits d'interviews dont l'approche est journalistique. C'est-à-dire que ceux-ci ne sont là que pour mettre en valeur le meneur de jeu, le présentateur, le journaliste, ils se cachent tous derrière une déontologie dont ils sont les seuls à connaître les règles, car nul d'entre nous n'a pu lire trois lignes à son sujet, ce qui leur permet parfois de condamner certains de leurs confrères lorsque ceux-ci ont quelque peu mordu la ligne jaune imaginaire qu'ils se sont tracés de ce qui leur paraît être l'inacceptable. Juste un exemple parmi des centaines d'autres : la fausse interview de Fidel Castro, réalisée par le célèbre présentateur de télévision Français de TF1, Patrick Poivre d'Arvor. Un ami pour parler de la télévision et de la place qu'elle prenait dans la famille parlait d'une nouvelle religion, et de ses nouvelles icônes, il avait ainsi baptisé le téléviseur " L'Icône-électro ménagère ". La mémoire ainsi enregistrée et archivée est un produit correspondant aux impératifs du marché de l'actualité. À partir d'une " Mémoire " falsifiée, altérée, maquillée, trafiquée, truquée, contrefaite, tronquée, déformée, défigurée, dénaturée, violentée, occultée, il devient facile de manipuler l'opinion publique et d'écrire une histoire se voulant scientifiquement vrai, et qui ne l'est guère plus que celles qui commencent par : Il était une fois....

"L'homme n'est pas un arbre, Il n'a pas de racines, dit un vieux proverbe russe. Mais l'homme a des attaches" .

Aussi lorsque pour des raisons économiques, ou politiques, il se retrouve dans l'obligation de partir sur les routes de l'exode qui le mèneront dans un autre pays que le sien, lorsqu'il devient un immigré, ses attaches culturelles vont rapidement lui imposer de se construire un " Territoire de mémoire ". C'est à l'intérieur de celui-ci qu'il pourra retrouver son équilibre. Prenons garde, serions-nous en train de perdre la mémoire ? Mémoire au sens culturel, ce que les économistes sont en train de baptiser " mondialisation de l'économie " recouvre une réalité, mais elle en cache aussi une autre. Ne serait-elle pas uniformisation de la culture, occultation de la mémoire, culture importée et imposée économiquement par une nation qui justement n'a pas de mémoire au sens historique. Ou plutôt si, mais elle est encore enfantine et balbutiante, puisqu'elle commence à Mickey, de ce fait, elle n'est pas encore mâture, donc elle est dangereuse, il faut y prendre garde.

Information, Histoire et Mémoire.

Quand j'entends un étudiant qui me dit qu'il doit rédiger son mémoire, il me fait penser à l'historien qui considère la mémoire comme un stock d'informations sur des événements du passé, rarement du présent, (il faudrait s'interroger pourquoi le présent fait-il si peur à l'historien) mais qui lui apparaît comme quelque de chose de flou, désorganisé, son travail va consister à enquêter, il sera pour un temps le Maigret ou le Sherlock Holmes de nos futures mémoires historiques. Il donnera forme et crédibilité à ce tas d'informations Ce sont les pratiques juridiques et policières qui ont donné naissance au mot : " INFORMATION ". Ouvrir une Information fait partie de l'instruction d'une affaire. Ces derniers temps avec l'affaire du pédophile Dutroux en Belgique, l'Information au sens de l'enquête s'est mené au moins sur trois niveaux, le policier a mené la sienne, c'est son travail, la télévision c'est également son travail d'informer, le public a informé les deux premiers, il est devenu ainsi sujet d'information et informateur. Faisant surgir de la mémoire et des dossiers des affaires oubliées, enfouies dans la mémoire du temps.

L'information vise l'ensemble des actes qui tendent à établir la preuve d'une infraction et à en découvrir les auteurs. Les pratiques journalistiques (écrites, parlées, télévisées) se sont par la suite approprié un des usages du mot, et plus récemment, l'outil informatique, l'ordinateur, car il a une " mémoire "; il stocke une quantité d'information, car il possède une mémoire de masse, et sa mémoire vive peut selon sa capacité nous donner accès à ces informations plus ou moins rapidement.

L'usage de l'informatique est aujourd'hui très répandu dans le journalisme et lorsque celui-ci se donne en représentation, il met avant tout l'accent sur les " Processus et le Jargon " liés à ces nouvelles technologies de pointe, l'ordinateur a une mémoire qui ne se trompe pas, et ne peut pas se tromper, sa mémoire est binaire, et ne peut pas faire d'interprétation, c'est donc une information fiable. Il est difficile d'imaginer le contraire puisque qu'aujourd'hui nous avons accès non pas à des milliers de livres, mais à des milliers de bibliothèques réparties à travers le monde.

Avec l'apparition de l'écriture, l'homme a commencé à garder ses écrits, à stocker son savoir, des bibliothèques se sont ainsi constituées, la mémoire de l'humanité est passée de la tablette d'argile au papyrus, du parchemin, au papier, de la calligraphie à l'imprimerie.

Aujourd'hui nous commençons sans trop nous en apercevoir à écrire et stocker notre mémoire de manière virtuelle, l'accès à celle-ci, passe de plus en plus par un vecteur obligatoire, celui de l'ordinateur. Lorsqu'on utilise pour les ordinateurs le mot " Mémoire ", me paraît galvaudé, déformé, pour sortir de son sens noble, cela me paraît être une utilisation bon marché transcrit littéralement de l'anglais " Memory " et totalement inadéquate. Je préfère que nous parlions d'espace de rangement, de faculté à stocker les informations, de capacité à piloter un ou plusieurs logiciels, mais surtout pas de " mémoire ". De plus si l'on n'y prend garde, " elle " disparaît ou s'efface avec une rapidité étonnante, il faut donc effectuer des copies par sécurité, et il faut en avoir de plus en plus si l'on veut piloter des logiciels occupants de plus en plus d'espace, si l'on suit le vocabulaire proposé, qui mange de plus en plus de mémoire, quelle horreur !... la machine va finir par me prendre le peu de mémoire qui me restait.
La presse comme à son habitude aime les formules chocs qui font ses titres et ses parts de marché, elle a inventé " Les autoroutes de l'information ". L'avancée technologique d'une chaîne de télévision et sa capacité à être, la première sur le terrain est donnée comme preuve de la valeur de l'information transmise. À cause des progrès de la technologie, de l'allègement des matériels audiovisuels, l'apparition des cars SNG (Satellite News Gathering) qui permettent aux journalistes, où qu'ils soient, et grâce à une liaison satellite permanente d'intervenir à tout moment en direct sur les antennes. Ainsi les périodes d'actualités baptisées " chaudes " font les belles heures de ces télévisions.
La Chaîne américaine « CNN » est devenue le modèle qu'il faut atteindre si l'on veut être crédible. Il faut entre l'apparition du fait, pouvant donner lieu à une information, donc à un événement, et sa réception par le téléspectateur être le plus rapide. C'est sa compétence à remplir ce contrat technologique qui permet à la chaîne de convertir son " idéal " en réalité, (et, bien entendu, en part de marché) du moins à s'en approcher toujours davantage. Elle devient la référence, elle devient la mémoire à partir de laquelle les autres médias vont se référer, ainsi chacun parlera et se référera à l'autre.

Information-désordre-effraction-spectacle

Parmi le volume colossal « d'informations » qui sont transmises chaque jour, beaucoup font en effet état « deésordre-Infraction ». Désordre et Infraction à l'ordre du monde, infraction à l'ordre de la nature, infraction aux lois de la société, infraction à l'ordre moral, infraction à la loi du plus fort, etc ...
L'information ne vaut que si elle présente un caractère d'infraction aux règles présumées : Un tremblement de terre, une inondation, un détournement d'avion, un accident de chemin de fer, un coup d'état aux antipodes.
Voici quelques-unes des « informations » qui peuvent faire les titres de l'actualité du jour. L'information, pour exister doit être également spectacle, ainsi elle tord, déforme la nature des choses, mais capte l'auditeur, car quoi de plus naturel qu'un tremblement de terre. C'est la conséquence du mouvement des plaques tectoniques, mais la terre est nié s'il elle ne tremble pas.

De la même façon qu'elle a pu ne jamais nous informer sur la culture, la langue ou le régime politique de ce pays lointain où l'on dit maintenant qu'il y a un coup d'Etat. Ceci est la règle de l'information, il faut qu'elle soit Information-Infraction-Spectacle.

Pour qu'un fait se transforme en information, il faut qu'il se passe quelque chose, présenté comme étant anormal dans les mémoires. Il faut que l'ordre supposé normal du monde soit rompu. S'il n'y a pas de désordre, il n'y a pas non plus d'information, pas de spectacle.

Un train qui arrive à l'heure n'est pas une information, c'est celui qui arrive en retard qui en est une. Pourtant, moi l'usager, j'ai besoin d'avoir l'horaire des trains qui partent et arrivent à l'heure, ceux qui arrivent en retard ne m'intéressent pas, sauf si je suis dedans et que, j'ai par ce fait raté ma correspondance. Sans ces bons horaires, je ne pourrais jamais utiliser de manière fiable ce moyen de transport.

Désignant en toutes choses l'instabilité du monde, l'information télévisée renforce la croyance que celui-ci est stable, ou devrait l'être, ou pourrait l'être. C'est la rupture qui introduit l'infraction, la catastrophe le spectacle.
Pourtant ce qui est la règle, c'est le désordre et non pas l'ordre, sans le big-bang nous ne serions pas là. L'infraction a aussitôt des allures de catastrophe par le traitement que l'information télévisée lui fait subir, et ne devrait pas exister mais elle existe pourtant tous les jours.
Nos mémoires sont ainsi construites, modelées par le prisme de l'information-désordre-effraction-spectacle. Cet à priori correspond en fait au rôle que s'attribue l'État.

Le désordre-infraction-catastrophe-spectacle met en valeur l'action de l'État. À peine est-elle survenue, quelle que soit sa nature, une inondation, un déraillement de train, l'incendie d'un hospice, elle déclenche aussitôt la mise en mouvement d'un ministre, ou mieux celle du Président de la République, parfois il se rend immédiatement sur les lieux. Il s'agit tout à la fois de compatir au sort des victimes, et d'annoncer des mesures propres à éviter le retour de telles catastrophes. Peu importe que ces mesures soient totalement inefficaces, l'actualité aura tôt fait de les recouvrir avec de nouvelles informations « infraction-catastrophe-spectacle ».

Un clou chasse l'autre. Au moins les représentants de l'État seront-ils intervenus sous le coup de l'émotion, ils se seront montrés de tout cur avec les victimes, soignant ainsi leur image médiatique et les futurs bulletins de vote en leur faveur.
L'action de l'État c'est le rétablissement de l'ordre dans le désordre. L'État donne une image de la stabilité qui devrait régner en toutes choses. Il fournit un modèle de stabilité et d'équilibre dans un monde en proie à l'instabilité. Il constitue le pôle de l'actualité auquel le téléspectateur peut se raccrocher en toute confiance. L'État veille sur nos mémoires, l'État est là pour construire la « Mémoire de la Nation, sa mémoire collective, son histoire ».

La mémoire collective.

Concept à priori clair et concret, il signifie pour la plupart d'entre nous les souvenirs communs, l'histoire de notre peuple, de notre communauté. Or la mémoire collective est un concept abstrait, inventé par les historiens, où de manière sous-jacente, et le pouvoir l'utilise comme ciment de l'identité nationale. Selon la manière dont le souvenir sera orienté, ranimé, déformé, il pourra donner naissance à des dérives, patriotisme étroit, chauvinisme exacerbé, pour déboucher dans l'ultra nationalisme le plus dangereux de tous. Aussi l'historien est-il confronté à collecter des informations de sources différentes, s'il veut tenter de faire un travail objectif, et ne pas être désigné comme un scribe au service du pouvoir en place. Partant de cette réflexion, la mémoire collective ne peut être que partielle, puisque dirigée, ce ne sont que des morceaux de souvenir choisis officiellement ou objectivement. En conséquence, ils n'ont que peu de rapport avec moi, puisque déjà ma " mémoire " n'a qu'une partie infime à voir avec celle de ma sur, la sienne est féminine, et je suis un homme, le résultat est qu'elle n'a rien à voir avec mon voisin de classe, excepté les quelques rares moments forts vécus en commun. Ce qui à plus forte raison n'a rien à voir avec mon compatriote qui habite à cent mètres de chez moi, qui n'est pas de la même génération que la mienne, ni du même rang social, ni de la même profession etc ...

En fait, l'historien entretient avec la mémoire collective plus ou moins les mêmes rapports douteux que le monteur de film qui a à sa disposition trois heures de " rush " et doive à partir de ce matériau baptisé " brut " en faire trente minutes " montées ". Il devra couper et coller des morceaux de demi réalité saisie afin d'en faire ce qu'il pense être un discours visuel cohérent. Certes, il le sera pour les personnes qui parlent, comprennent son langage, pour les autres ! ...

Imaginons simplement des personnes qui n'ont jamais de leur vie vu un film, ce qu'ils auront sous les yeux tiendra davantage de la magie, de l'incompréhensible, de l'inexplicable, mais en aucun cas d'un langage cohérent, et encore moins de mémoire collective. En conclusion, la mémoire collective est une vue beaucoup trop large pour une chose imposée de manière si parcellaire.

Nous avons été formés à classer la mémoire en deux grands camps, l'une serai personnelle, l'autre historique, et c'est bien là notre drame, il existe des quantités de mémoires, à nous de les détecter afin de les hiérarchiser.

Histoire Mémoire et Caméra.

Il y a une quinzaine d'années, s'étaient réunis à Paris des personnes ayant pour objectif de constituer un groupe d'animateurs, pour la création d'un festival de cinéma, qui aurait eu comme axe essentiel l'Histoire. Chacun à tour de rôle tentait de définir les contours et le contenu des programmes de ce futur festival.
Pour ma part je pensais que du fait d'avoir opté très tôt dans ma vie professionnelle pour le cinéma documentaire, j'avais toujours pensé que je me plaçais au carrefour de l'histoire et de la mémoire, donc au première loge de la présuposée «information». Le fait de filmer les hommes qui faisaient l'Histoire me mettait en position de témoin privilégié, de ce fait au lieu de la subir, j'en étais le témoin parfois central ou périphérique, donc je vivais le présent qui serait la mémoire historique.

Puis, m'est apparu le fait suivant, (selon que je me trouvais au Japon, au Chili, en France ou en Bosnie-Herzégovine), résultait d'un tas de phénomènes, d'une quantité de circonstances). De plus si j'étais à Tokyo, Santiago, Paris ou Sarajevo c'était également la conséquence d'opportunités dues à des facteurs à la fois désirés et incontrôlés, le fait d'avoir ma caméra dans le quartier de Ginza à Tokyo, plaza de la Monedad à Santiago du Chili, place de la Concorde à Paris ou dans Marsala Tita à Sarajevo était également la résultante de choix imposés ou arbitraires dus à mille occasions.
De plus, selon le choix de l'angle ou de l'objectif que j'utiliserai j'imprimerai de façon consciente ou non, une vision grossissante, donc déformée de la réalité se trouvant sous mes yeux. Je ne pouvais dans ce cas capter qu'une infime portion de ce que les archivistes des cinémathèques classeraient plus tard comme " Documents historiques" " Documents de la Mémoire " d'une époque et d'un lieu donné. Ma sensation d'être dans l'histoire, collecteur de mémoire devenait totalement faux.
Car l'histoire du cinéma et la mémoire historique de l'humanité ne sont en rien comparables. L'histoire avec un grand H n'appartient pas à l'homme, encore moins à celui qui prétend en capter des brides, des morceaux. L'Histoire lui est imposée comme une force étrangère sur laquelle il n'a aucune prise, car, dans la majorité des cas, elle est la mémoire officielle des États qui ont en charge de se graver une histoire officielle.
Par contre l'histoire du cinéma est née de la liberté des hommes créateurs, tantôt banals ou serviles, tantôt avec génie, tantôt bassement commerciale ou au service d'une propagande idéologique qu'ils partagent ou subissent.
Par son histoire personnelle, un film documentaire ou de fiction est davantage la révélation de la nature de l'auteur, que ce que l'auteur croit révéler aux spectateurs, et c'est en cela que l'uvre cinématographique devient un objet culturel de mémoire à consommer ou à rejeter selon le bord où l'on se trouve où crois se trouver.
En conclusion il n'y a pas pire mensonge que le cinéma surtout lorsque celui-ci se prétend : " Cinéma vérité ".
Avec l'arrivée de l'électronique et du tout "numérique " cela sera encore plus faux, puisque je pourrais à loisir fabriquer des images de Tokyo, Santiago, Paris ou Sarajevo sans jamais y avoir mis les pieds, et sans même me soucier de savoir où ces villes se situent sur la planète.
Un siècle plus tard nous voilà revenus au temps ou Georges Méliès fabriquait dans son garage de la banlieue parisienne, le procès " authentique " de l'affaire Dreyfus ou le couronnement d'Henri VIII, en mettant en scène des sosies de ces personnages de l'histoire. Les spectateurs de l'époque étaient bernés, ceux d'aujourd'hui aussi le sont, mais différemment, ils le seront encore davantage à l'avenir, surtout avec l'arrivée de l'image numérique permettant tous les trucages et toutes les manipulations.

" Info ou Intox "
La télévision française avait, il y a un certain temps produit et diffusée une émission qu'elle avait baptisée " Info ou Intox " les personnes invitées sur le plateau devaient visionner un reportage et ensuite se prononcer sur l'une ou l'autre formule. Dans la majorité des cas, les gens se trompaient, la télévision par cette émission avouait implicitement qu'elle était un formidable outil de manipulation. Dernièrement une révélation faite par la presse américaine aurait pu s'intituler : " Mensonge Mémoire et Vidéo ". Les déclarations de monsieur Alvin A. Snyder*, paru dans le Washington Post, et repris le 2 septembre 1996 par le Herald Tribune et le Monde, donne un éclairage bien différent sur ce qui fut considéré, il y a quinze ans comme une attaque aérienne sauvage sur un avion civil perpétré par les forces militaires soviétiques. Depuis que le rapport final de l'Organisation de l'Aviation civile internationale a révélé, en 1993 la totalité des enregistrements, monsieur Alvin A. Snyder considère que les autorités américaines ne lui avaient donné, pour constituer sa cassette, qu'une " Information sélective ". Monsieur Alvin A. Snyder avait, à la demande du département d'État américain, élaboré un document vidéo à partir des enregistrements réalisés par les services d'écoutes, qui retraçaient la conversation des pilotes soviétiques. Le document, fut diffusé lors d'une séance du Conseil de Sécurité des Nations Unies, le 6 septembre 1983, et retransmis dans le monde entier par satellite. Cette cassette tendait à démontrer que, contrairement au dire des Soviétiques, les feux de navigation de l'appareil coréen étaient allumés, et que les chasseurs soviétiques ne se souciaient pas de l'identité de leur cible, qu'ils ne désignent dans la cassette que par le terme d'" «objectif». Aucune allusion n'était faite à un quelconque avertissement de leur part. La vidéo diffusée était " forte, efficace, mais fausse " déclare aujourd'hui M. Snyder.

Les autorités américaines savaient que la destruction du Boeing - 747 de la Korean Airlines (KAL), le 31 août 1983, qui fit 269 morts par l'aviation soviétique n'était pas délibérée de la part des soviétiques, Moscou pensait, en fait, avoir affaire à un avion espion américain RC-135. Elles avaient délibérément passé sous silence les paroles du contrôleur au sol. Les responsables du gouvernement américain connaissaient le contenu des enregistrements. Ceux-ci prouvaient que le général Osipovich pilote du SU-15 soviétique ne pouvait pas identifier l'avion, qu'il a bien tiré des " coups de semonce " et battu des ailes, signal international pour forcer l'avion à atterrir.

*Monsieur Snyder ancien directeur de la télévision pour l'agence publique d'information américaine vient de publier récemment un livre intitulé : «Les Combattants de la désinformation» : la propagande américaine, les mensonges soviétiques et la victoire dans la guerre froide.

Il n'y a donc qu'un seul cinéma historique qui puisse aborder l'histoire et la mémoire ce n'est pas le cinéma documentaire car il est lui-même pris par son propre langage, mais celui de la fiction qui certes n'est jamais une image juste de l'histoire et de la mémoire, mais pour paraphraser Jean Luc Godard juste une image de celle-ci.

L'amnésie programmée du pouvoir.

Tout le monde se souvient des deux versions de la même photographie, sur l'une on peut voir Léon Trotsky près de Lénine, sur l'autre Trotsky a disparu. Le pouvoir Stalinien avait rapidement compris ce que peut-être des cinéastes comme Dziga Vertov avec son film " La caméra il " film bourré d'effets spéciaux lui avait suggéré inconsciemment : l'utilisation du trucage de la photographie comme moyen de falsification, et de modification à l'écriture de l'histoire. Il est curieux de constater que quel que soit le pouvoir et les époques, celui-ci à toujours besoin de se refaire une sorte de virginité, afin d'offrir à ses sujets, son peuple, ses citoyens un hymen flambant neuf à consommer sur l'autel de la Nation, une manière de le rendre complice de la tricherie, car il en aura été le consommateur, ainsi le nouvel État se fait une toilette historique.
Il a pour réaliser ce projet plusieurs voies, soit en installant un système de censure, soit en remaniant les manuels scolaires, et là s'offre à lui deux autres routes: "L'amnésie", nous l'avons abordé avec l'exemple de la photographie, le Peuple qui n'était pas présent à l'événement ne pourra jamais se rappeler que Trotski était présent ce jour-là, par contre la diffusion massive de la version truquée deviendra pour un temps la mémoire collective de ce peuple trompé. Et puis, il y a le " Mensonge ", je crois que le plus bel exemple que nous avons, et qui me vient à l'esprit, nous le devons au système de l'enseignement colonial dans l'Empire Français lorsque ses instituteurs, tous formés à la " laïcité " de Jules Ferry faisaient répéter aux enfants africains, antillais, maghrébins, canaques, tahitiens etc. ? Cette phrase devenue légendaire aujourd'hui mais s'imprimant dans les mémoires d'alors: Nos ancêtres les Gaulois ...

Mémoire fabriquée.

La mise en place d'un nouveau pouvoir utilise parfois une mémoire fabriquée, de toutes pièces, où à partir d'une réalité historique n'ayant laissée que peu de trace dans les manuels scolaires, il devient alors facile de déformer, tronquer, manipuler les faits pour offrir une histoire dotée d'un nouveau visage et de manuvrer ainsi les populations, ignorantes.

Ces dernières années, en Yougoslavie nous avons pu assister à la manipulation de la mémoire collective, lancée par Slobodan Milosevic et l'Église national orthodoxe serbe dans le projet de la grande Serbie, idée qui a ses racines chez Petar Petrovic Njegos évêque orthodoxe Monténégrin, et auteur de "La Couronne des montagnes", il fonde l'idée de haine envers les Musulmans : "La terre pue les collaborateurs turcs, il faut les exterminer, il faut tuer tous ceux qui appartiennent à l'islam. Ce livre a représenté l'incitation la plus drastique à l'extermination des Bosniaques, c'est le testament spirituel à la base duquel a été effectué le génocide des Musulmans, à la base duquel ont été détruites les mosquées, à la base duquel les Serbes ont tué et violé les femmes Musulmanes.

Slobodan Milosevic en s'appuyant sur quelques historiens nationalistes acquis à sa cause, donna ainsi à leurs propos publiés dans le mémorandum de l'Académie Serbe des Sciences et des Arts de Belgrade un " label " scientifico-historique. Pour l'énorme majorité de la population paysanne Serbe, ces paroles ne pouvaient être mis en doute.
De plus elles furent relayées par celles de l'Église orthodoxe Serbe, la mise en cause de la parole divine devenait alors impossible. La parole vérité tombait du ciel. Les clés du mécanisme étaient en place, il ne restait plus qu'à mettre la machine à laver la mémoire collective en route, ce qui fut fait. Dans un premier temps, l'Église Orthodoxe marqua les limites des nouveaux territoires Serbes par une série de processions religieuses appelant les fidèles à défendre la terre Serbe, le relais fut passé au politique, qui donna toute sa dimension en transformant une défaite militaire vieille de six siècles, en victoire Serbe. La Serbie se plaçant en rempart de la chrétienté face à la barbarie musulmane. Le 28 juin 1989 Slobodan Milosevic stigmatisa la foule qu'il avait fait venir nombreuse en autobus de Belgrade pour assister à la Célébration du 600 éme anniversaire de la bataille de Kosovo, et à la renaissance Serbe sur l'emplacement où le 20 juin 1389 les troupes ottomanes remportèrent sur les serbes et les Bulgares une victoire qui mit fin à leur indépendance. Il a tenu ce jour -là des discours ultra nationalistes, les Albanais du Kosovo bloqués par la peur sont restés chez eux. À partir de ce jour, il pouvait lancer sa machine de guerre. Rien n'arrêterait le nationalisme Serbe après ce lavage de cerveau de sa propre mémoire; allant jusqu'à oublier leur propre mythe et légende, lorsque le 6 mai 1993 il fit voler en éclats la mosquée Ferhadija, que Ferhad Pacha fit bâtir à Banja Luka entre 1574 et 1588, l'histoire veut qu'il ait été le frère de Mehmed Pacha qui fit édifier le pont de Visegrad, les deux hommes auraient été des enfants serbes donnés en tribu aux Turcs pour êtres élevés en Janissaires. Le combat continue puisqu'en octobre 96 les séparatistes serbes poursuivent leur travail de " purification ethnique ". Ils refusent que les musulmans reviennent dans leurs anciens villages, détruisent les maisons à l'explosif. Dans le centre de Banja Luka, où des diplomates occidentaux sont reçus chaque jour, ils ont envoyé leurs bulldozers afin d'effacer les derniers vestiges de la mosquée Ferhadija. Les engins de chantier ont achevé de niveler le terrain. À la place, on en fera sans doute un parking. Aujourd'hui le plan continue à être appliqué en direction des habitants d'origine albanaise du Kosovo.

In memoriam.

L'historien africain Joseph Ki-Zerbo qui a dirigé durant de nombreuses années l'institut d'histoire africaine et malgache à Ouagadougou me disait un jour qu'il avait toutes les peines du monde à voir mourir un vieil homme en Afrique. Il avait le sentiment qu'une bibliothèque flambait, qu'une mémoire s'éteignait à jamais. Je pense pour ma part que nos cimetières sont chargés d'une autre mémoire que la sienne, si nous voulons nous approcher d'autres chemins de la mémoire, nous devons commencer pour écrire notre histoire aborder le premier chapitre par nos cimetières. En commençant par une première promenade dans les cimetières militaires, elle nous révélera par exemple que lors de la première guerre mondiale, la France a fait payer le prix du sang aux ressortissants de ses colonies, ce qui ne l'empêche pas aujourd'hui d'avoir la mémoire très courte en reconduisant hors de ses frontières manu militari des Africains sans papiers. Cet État est bien oublieux de son passé quand cela l'arrange, c'est le même État qui jalonne l'année d'un certain nombre de jours " Mémorables ", la fête nationale en est le premier. L'Église agit de même, et selon qu'il y ait ou non séparation de l'Église et de l'État, il y a ou non-dissonance dans ces jours mémorables. Ce qui est Mémorable pour les un ne l'est pas obligatoirement pour les autres. La construction de l'Historial pour «la première Guerre Mondiale» dans la ville de Péronne dans le nord de la France, ou du Mémorial de Caen pour «la seconde Guerre mondiale», sont conçus afin d'être des outils de culture et de communication, mais ils forgent dans le même temps " La mémoire Sacralisée ". Il est dangereux d'écrire le passé, à partir de témoignages qui avec le temps sont chargés d'oublis, ils deviennent rapidement une mémoire faussée, mais chargés de sens, proche de celui du sacré, le temps y participe aussi, et surtout à cause du lieu qui la diffuse. Si l'extrême droite oublieuse et ,ses adeptes prenaient la peine de lire les noms qui sont gravés sur les pierres tombales, et particulièrement des cimetières du nord, et de l'est de la France, ils y découvriraient une partie de la mémoire ouvrière. Elle leur apprendrait en décodant les inscriptions des stèles, une partie de l'histoire ouvrière de notre pays.

Soit par la mise en lumière d'une date rappelant une catastrophe minière, soit par le nom désignant la nationalité de ces travailleurs qui n'étaient pas nés là, mais y sont morts quand même. Cependant les thèses de l'extrême droite française dans un programme récent rédigé par l'ex maître à penser du Front National Bruno Mégret (les facistes ont la mémoire courte, et guère de reconnaissance pour les leurs dès que ceux-ci les gênent) continuent leur travail de manipulation en affirmant que les règles de la Démocratie doivent êtres strictement subordonnés à l'existence « d'un peuple authentique, c'est-à-dire à une communauté d'hommes et de femmes qui se reconnaissent mutuellement comme proches les uns des autres par la culture, la foi, le sang, et l'histoire ».


Mémoire temps.

Le patronnât anglais, au milieu du XIXe siècle comprit rapidement l'utilisation possible de l'oignon, cette montre de poche fabriquée à cette époque, en grande série, presque de façon industrielle, allait devenir pour lui un élément de pouvoir et de contrôle sur la mémoire temps. Il allait pouvoir grâce à ce marqueur de temps délégué une partie de son pouvoir. Dans ce dessein, il inventa une cérémonie pour remettre l'objet indicateur de temps à l'heureux élu, qui recevant ce cadeau des mains du patron grimpait ainsi dans la hiérarchie ouvrière pour arborer le grade de contremaître. Celui-ci muni de l'outil de contrôle du temps, allait au fil des ans, pouvoir contrôler " Le Temps " de ses ouvriers, sa mémoire ne serait plus jamais en défaut avec l'arrivée de la pointeuse. Le marquage du temps est un des éléments importants de la mémoire ouvrière, c'est avec lui qu'ils se rappellent l'année où ils ont fait la grève pour telle où telle revendication, c'est avec le temps que la mémoire est jalonnée de marque permettant son écriture, mais c'est aussi avec le temps que la mémoire s'altère.
D'une autre façon, le temps est là pour rappeler à notre mémoire l'anniversaire de l'être bien aimé, ou l'accident qui nous est arrivé. Il est curieux de constater que la mémoire familiale s'imprime et s'organise dans sa majorité autour de la table, quel que soit l'âge, le nombre et le sexe des individus qui la compose c'est le seul endroit où elle se cristallise à l'unisson, car c'est aussi le seul endroit où la famille dans sa globalité peut se réunir, où les événements marquants pour le groupe vont se dérouler. Repas quotidiens, dominicaux, anniversaires, de fêtes, de mariages, d'enterrements. C'est autour des joies et des peines que la mémoire familiale se construit. C'est une mémoire de souvenirs.

De courte Mémoire.

La salle est noire, un seul projecteur éclaire l'artiste et, met en valeur son habit sombre aux revers satiné, et son chapeau haut de forme d'où il fera sortir d'un coup de baguette, deux colombes, un lapin angora et des quantités de foulards de soie multicolore. Le magicien, le truqueur, le marchand d'illusions gagne son pain par son savoir faire et la complicité naïve du public venu l'applaudir pour rêver un moment. Le magicien est muet, vous avez remarqué qu'il ne parle jamais ? Son faire valoir est en général une jeune femme blonde, elle sera pendant la durée du spectacle sa complice, sa comparse, son assistante, elle attirera sur elle les regards au moment où il aura besoin de la fraction de secondes lui permettant d'escamoter un élément de l'outillage qui lui est nécessaire pour réussir son escroquerie visuelle.
À l'inverse l'homme politique parle, il parle sans arrêt, il promet des quantités de choses qui ne pourront voir le jour car il n'en a pas le pouvoir, il le cherche et ne l'obtiendra que si les citoyens remplissent l'urne d'où il extraira sa force. La magie électorale aura joué en sa faveur si son verbe a été à la hauteur du public et celui-ci à la sienne. Pour attirer les regards, il aura recours non pas à l'image d'une jolie fille sortie d'un concours de " Miss " quelque chose, mais en flattant les espérances de ses concitoyens, qui espèrent qu'avec " lui " la condition sociale changera. Aussi il bercera ses électeurs d'illusions. Celles-ci prendront l'apparence d'une possible réalisation, d'un vrai changement, le piège est refermé, il les aura enfermés dans son chapeau, pour en sortir ils devront attendre de nouvelles élections car il le sait, l'homme de la rue a la mémoire courte.Sa baguette magique si l'on peut faire se parallèle est la Télévision, cet outil qui lui permet de pénétrer dans chaque foyer à l'heure du repas.
Un récent sondage vient de démontrer notre courte mémoire, l'enquêteur était muni d'une série de dix portraits, de fonctions et de noms, d'hommes politiques, ministres en fonction. La personne sondée devait placer les noms et la fonction occupée sur les visages, moins de 15% des personnes interrogées étaient en mesure de le faire sans trop de faute.
Le reste était incapable de mettre un nom et une fonction sur les visages qui lui étaient présentés et, qu'elles voient au moins une fois par semaine à la télévision ou dans leurs journaux.

Mémoire occultée.

C'est une chose bien connue, nous savons depuis Freud que notre inconscient classe nos souvenirs de manière en général à nous faire souffrir le moins possible, il y a, bien entendu, toujours l'exception qui vient là pour confirmer la règle. Aussi, notre mémoire est que nous le voulions ou non, bien incomplète. Notre cerveau a la capacité de classer ce qui lui convient, et la science d'occulter ce qui le dérange.

Savant de ce principe, nos dirigeants ont à partir de ce champ de probabilité, la possibilité de construire une mémoire nationale sur mesure, il n'est donc pas question d'être animé par un souci de clarté et de justice, afin d'écrire une histoire objective, cela serait immédiatement pressenti et qualifié par l'opposition quelle qu'elle soit, d'un je ne sais quel masochisme déplacé. Car si elle était au pouvoir à son tour elle aurait des moments de son histoire à ne pas mettre en lumière, c'est pourquoi les coins d'ombres sont avant tout les éléments qui font les choux gras d'une certaine presse, qui dans la plupart des cas ne fera qu'ajouter une ombre encore plus forte.

C'est pourquoi il est bien difficile de s'informer, il faut surfer en permanence sur le fil du rasoir qui oscille entre l'information et la désinformation. Quand les médias mettent l'accent sur tel ou tel événement, il faut toujours se poser la question pourquoi mettent-ils l'accent sur ce point particulier de l'histoire, ou de la mémoire, que veulent-ils à tort ou à raison, conscient ou non, masquer ? Ici, c'est comme sur les voies ferrées, une mémoire peut en cacher une autre.

Mémoire figée.

Ce qui me fait penser à cette expression : " De sinistre Mémoire ", qui n'a en soi rien de sinistre, mais elle est généralement marquée par une histoire qui avec le temps a subi un effet de loupe. Grossissant de manière démesurée son aspect sombre, mais cela peut-être aussi une histoire forte, que l'inconscient pour des raisons diverses n'a pas pu occulter. Imaginez que vous fassiez un voyage plus ou moins long dans le temps hors de chez vous, pendant ce temps les choses, les hommes auront changés, le paysage que vous connaissiez se sera modifié, et pourtant les images d'avant votre départ, soit sous forme de film, de cartes postales, ou de photographies familiales seront là pour vous montrer que votre mémoire est restée figée, votre mémoire sera tronquée des changements qui se sont opérés en votre absence, elle les plaquera sur une réalité, qui s'est modifiée de ce fait les morceaux ne raccordent pas exactement avec ceux que l'on avait emporté. Les vieux habitants de la ville de Managua, au Nicaragua où il y eu un tremblement de terre dans les années 70 qui ravagea la ville à 95 %. Ont encore l'habitude de dire pour situer un lieu : « Là où était la pharmacie untel, ou la station d'essence machin chose ». Ils leur est impossible se situer spacialement les choses sans faire référence à la mémoire figée à telle point que si vous feuilletez l'annuaire des téléphones les adresse sont indiquée en faisant référence au passé.

No Comments

La chaîne de télévision Européenne "Euro-News" bien consciente de tout ce qui vient d'être énoncée tente de donner des images différentes de celles que distribue ses consurs, elle a pour cela deux cordes à son arc un programme qui s'intitule " No Comments" et l'autre "C'était il y a un an". Il est toujours surprenant de voir les images de "No Comments" muettes, sans aucun commentaire, livrées comme si vous étiez un témoin à la chose, de faire sa propre interprétation, puis de zapper sur une autre chaîne afin de se rendre compte comment elles sont interprétées par le journaliste et de comparer.

Quant à la deuxième émission. "C'était il y a un an" elle vous place soit en situation de relativité avec le temps : Cela fais déjà un an ! ou bien, « mon Dieu que c'est loin tout ça !». Ou encore de comprendre que votre mémoire a complètement occulté ce morceau d'histoire.
Comme de manière générale les occidentaux ont occultés une partie de leur propre histoire au bénéfice d'un certain aveuglement. L'exemple de Grenade qui a été durant sept siècles et jusqu'en 1492 le point de rencontre des cultures entre l'Orient et l'Occident, n'est guère présent dans les mémoires, éclipser par le schisme entre Byzance et Rome, cette séparation culturelle eut pour conséquence une radicalisation de la prise de conscience d'appartenir à l'occident.

Pourtant sur le plan religieux les Européens sont Orientaux, ils ont abandonné leur dieux, et choisis celui du "Livre", c'est à dire de l'Orient. L'Église Byzantine c'est à dire Orientale jusqu'au premier millénaire s'est considérée comme l'expression suprême de la civilisation. L'Église autocéphale orthodoxe Serbe après cette date s'est posée comme rempart de l'occident face à la barbarie orientale, et c'est en reprenant ses thèses qu'elle a couvert, justifié et bénis l'épuration Ethnique en Bosnie face à une Europe lâche et consentante, car véhiculant également dans son inconscient, le même rejet face à l'orient.

L'Occidental serait donc une conception de la personne en tant qu'individu, avec toutes ses racines religieuses orientales que son inconscient, et l'État dont il est le citoyen, refuseraient consciemment.

En 1680 naissait en Angleterre le mot "monothéiste", ce pays se lançait alors dans son aventure Impériale. Plus tardivement le concept et le mot arrive en France en 1836 qui à son tour se lance dans l'aventure coloniale. J'ignore si il y a une relation directe mais les faits sont là, c'est avec le sabre et le goupillon que les conquêtes se sont faites. Les religions Occidentales dites monothéistes toutes basées sur l'amour et le respect du prochain ont suscitées des dizaines et des dizaines de guerres. Belles contradictions, car c'est par elles, et à cause d'elles, que ces guerres dans une large mesure ont put exister.

Manipulation des Mémoires

Nous pourrions penser que "La Mémoire Laïque" est celle des manuels d'Histoire enseignés dans les écoles publiques donc laïques en opposition aux écoles religieuses. L'esprit cartésien, c'est l'idée qu'une pensée n'est véritable que si elle est "universalisable", sinon c'est une croyance.
"J'ai le droit d'avoir des croyances, mais si je suis cartésien, je n'ai pas le droit de les considérer comme de véritables pensées. Car la pierre de touche de la véritable pensée, c'est l'universalité".
René Descartes (1596-1650)

Cependant pour que le concept de laïcité puisse exister, il a besoin de la culture occidentale pour naître, alors que cette même culture est empreinte de religion, cette dialectique apparemment toute orientale ne serait pourtant que la reconnaissance d'un pouvoir politique face à un pouvoir religieux auquel il faut inclure le droit à l'incroyance dans le concept de laïcité, et qu'il soit garanti par le pouvoir politique et religieux. Or nous nous apercevons à la lecture des manuels scolaires français par exemple, pays qui depuis près d'un siècle a réalisé sa séparation de l'Église et de l'État, qu'une quantité d'exemples anachroniques subsistent. Sans en faire une liste exhaustive, le ministre de l'intérieur de la République est entre autre, le ministre des cultes, les trois départements d'Alsace et de Moselle étaient allemands lors du vote des lois de séparation de l'Église et de l'État le 9 décembre 1905, de ce fait après leur retour à la France, ils sont restés soumis au système antérieur, celui du concordat signé en 1801 entre la France Napoléonienne et le pape Pie VII, pourquoi ?

De ce fait la religion musulmane, n'est toujours pas reconnue à ce jour etc... En 1996 la venue en France du Pape à Reims pour célébrer le Baptême de Clovis a relancé la polémique à ce sujet, l'État doit-il ou ne doit-il pas payer le voyage papal, la réponse se trouve dans le compromis avec une interprétation de la loi faisant que l'État paye la moitié du voyage.
Ce a qui fait dire au directeur de la Bibliothèque nationale. " La loi a été appliquée comme si l'on pouvait dire qu'une femme est un petit peu enceinte. Or, elle l'est, ou ne l'est pas, mais elle ne peut être à moitié enceinte".


Mémoire occidentale

L'écrivain russe Alexandre Zinoviev, pense qu'après la deuxième guerre mondiale un nouveau phénomène social est apparu à l'ouest qu'il baptise "Occidentisme" ou "Ouestisme", il pense que la société occidentale est généralement définie comme une société capitaliste, qui manipule le cerveau humain à travers le cinéma, la publicité, la télévision etc ... Entre autre il dit: "L'Occidentisme est une résultante de la guerre froide en même temps qu'une arme de cette guerre, la première tâche historique de l'Occidentisme a été de détruire le monde communisme et d'empêcher une évolution futur de l'humanité vers le communisme, ensuite après avoir gagner la guerre froide l'Occidentisme a entrepris d'accomplir sa deuxième tâche qui était d'organiser l'humanité et d'être le leadership du monde occidental. Prenons l'exemple de la Russie, aujourd'hui, les dirigeants idéologiques et politiques Russes tentent d'imposer à la population le mode d'organisation occidental, économique, idéologique, politique ou culturel, cela signifit-il que la Russie va faire partie de l'occident non ! Jamais ! Mais le résultat c'est la destruction de ce pays. La Russie a été tuée, ce pays est en train de mourir, aujourd'hui la Russie est devenue une région de colonisation aux yeux de l'occident, je n'accuse pas l'occident, je ne pense pas personnellement que cela soit le résultat de l'intention malveillante de gens mauvais ou stupides, c'est d'une importance vitale pour l'occident s'il veut survivre et maintenir le niveau que la civilisation a atteint. L'occident est condamné à jouer ce rôle dans l'histoire".

Mémoire et patrimoine

Chez chacun d'entres nous, il existe une mémoire, des souvenirs, ils sont bien entendu très différents chez tout le monde. Même si nous appartenons à la même classe d'âge, à la même région, à la même culture, à la même classe sociale et avons assistés aux mêmes événements, notre souvenir en est différent, nous en avons une vision, une approche personnelle, ce qui est peut-être bien mais ne fait pas l'affaire de l'État. Car pour exister l'État a besoin que ses citoyens aient une mémoire collective. Aussi depuis peu nous voyons apparaître la Journée du patrimoine. En France c'est une journée où le public va visiter les différents lieux où le pouvoir s'est exercé ou s'exerce de nos jours. Les français, peut-être plus particulièrement les Parisiens à cause de leur proximité avec le pouvoir sont fascinés par le palais de l'Élysée, ils sont prêts à espérer dans la file d'attente pendant quatre voir même cinq heures pour pouvoir mettre les pieds ne serait-ce quelques secondes dans le bureau du chef de l'État, ces visites sont vécues avec fascination et rêve par le public. La grande majorité de celui-ci est surtout attiré par le mobilier, il se sent un peu comptable de tout cela, c'est presque une visite de propriétaire faisant l'inventaire de son patrimoine. Ces journées sont lourdes de sens, sait-il ce public que ce patrimoine est aussi celui de sa mémoire, de son comportement dans le passé, celui de la colonisation, des complicités passées avec l'occupant nazi, mais sont-ils les concessionnaires de ces pages peu glorieuses, certes non, pourtant il est dangereux de faire le silence sur le passé, ce n'est pas en cassant le thermomètre que l'on guérit la maladie. Il est important de se souvenir mais attention à l'équilibre, les pages de gloire ont une fâcheuse tendance à cacher celles qui sont moins glorieuses.

Mémoire en forme de question


Nous pouvons nous poser la question: L'Occident est-il le résultat d'un projet savamment élaboré, ou un accident de l'Histoire. L'Europe est un continent qui bouge." De la Mongolie à la pointe du Finistère en France, De Kiruna ville minière Suédoise près du cercle polaire à Gibraltar en Espagne, les populations d'Europe se sont toujours mélangées, entre mêlées. Un courant a traversé le continent, du Sud-Est au Nord-Ouest, avec d'un coté la montée du monde latin et méditerranéen et, de l'autre venant de l'Est à l'Ouest. Derrière le premier pointait l'Orient, derrière le second l'Occident". Pour beaucoup de peuples, principalement les pays du Sud, l'Europe est dans leur mémoire synonyme: de domination, d'expansionnisme marchand, de force militaire, de pouvoir religieux.

L'Europe de l'idée des "Droits de l'Homme" est en sans cesse à construire et consolider, et ne peut se résumer à l'idée de liberté individuelle pour celui de l'abandon de la communauté.

Aujourd'hui nous devons chercher à définir l'Europe, dû au fait que dans les siècles passés celle-ci a dominé le restant du monde, de toutes les manières l'Europe qui est en train de se construire ne peut être une simple notion géographique ou économique, elle doit pour avoir un sens et une mémoire lui donnant la force de traverser les conflits être une Europe multiculturelle, posséder autant de mémoires que de régions et ne pas tourner le dos à ses racines orientales et méditerranéennes. Elle doit être une idée de l'État de droit, du gouvernement dans la démocratie. Deux thèses semblent s'opposer, parfois elles s'affrontent alors qu'elles sont complémentaires, l'une fermée considérant la mémoire comme un certain nombre de lieux, de faits inscrits dans l'histoire, "fermé", ne pouvant plus évoluer, apportant à ceux-ci le respect que l'on apporte aux morts, lui consacrant un certain nombre de rites marqués par des repères idéalisés proche du sacré: Journées du Souvenir, Journées du Patrimoine, Journées du Mémorial etc ... L'autre considérant que la mémoire est "ouverte", que ce qui se déroule aujourd'hui, en ce moment même est un élément de cette mémoire, de ce patrimoine, qu'il faut le recueillir pour le conserver, sans tomber dans l'idolâtrie, mais afin de mieux comprendre aujourd'hui, sous peine de n'avoir qu'une vue tronquée des choses, et de léguer demain une mémoire qui n'aura été manipulée que le moins possible. Je ne voudrais pas que vous puissiez penser que je prône la mémoire"totale" celle ou rien ne serait oublié, celle qu'il faudrait avoir en permanence à l'esprit. Je pense qu'il y a, et qu'il doit y avoir une place à l'oubli, ne demandez pas à un individu qui a séjourné dans les camps, qu'ils soient de réfugiés, ou de concentrations d'avoir présent de façon durable cette "mémoire" ce serait invivable, ce serait lui infliger une torture épouvantable, il ne pourrait en aucun cas se reconstruire nous deviendrions ses nouveaux bourreaux. Par contre nous ne devons jamais oublier que de telles choses ont existé, et si nous n'y prenons garde elles risquent très rapidement de recommencer.

Ayant mené une sorte d'enquête, de recherche, je dirai même d'investigation autour des mots: information et mémoire. Il m'a paru utile en forme de conclusion de vous en donner les quelques définitions que j'ai pu glaner dans mon dictionnaire.

Information nom féminin. du Latin informare, instruire « mettre au courant» « Juge d'instruction».
I - 1 Action d'informer, de s'informer: l'information des lecteurs.
2 Renseignement, information fausse · Nouvelle communiqué par une agence de presse, un journal, la radio, la télévision. 3 Eléments de connaissance susceptible d'être codé pour être conservé, traité ou communiqué. 4 Cybernétique. Facteur qualitatif désignant la position d'un système et éventuellement transmis par ce système à un autre · Quantité d'information: mesure quantitative de l'incertitude d'un message en fonction du degré de probabilité de chaque signal composant le message.- Théorie de l'information, qui a pour objet de définir et d'étudier les quantités d'information, le codage de ces informations , les canaux de transmissions et leur capacité. II - Droit, ensemble des actes d'instruction qui ont pour objet de faire la preuve d'une infraction et d'en connaître les auteurs · Bulletin radiodiffusé ou télévisé qui donne des nouvelles du jour.

Mémoire nom féminin, du latin memoria . 1 Activité biologique et psychique qui permet de retenir des expériences antérieurement vécues. ·2 Aptitude à se souvenir : avoir bonne mémoire, de mémoire : en s'aidant seulement de la mémoire. de mémoire d'homme: du plus loin qu'on se souvienne.memorandum neutre substantivité de l'adjectif latin memorandus. P our mémoire : A titre de rappel .A la mémoire de : en l'honneur de (un mort un événement passé ). 4 Informatique organe de l'ordinateur qui permet l'enregistrement, la conservation, et la restitution des données.

Le rôle du citoyen conscient
est de réveiller la mémoire.
Théo Robichet

Accueil

L'lnstitut pour la Mémoire européenne
37, rue Washington - F- 75 008 PARIS - Tel & Fax : + 33 (0)1 47 92 17 60
E-mail: european .memory@free.fr