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L'Institut de la Mémoire Européenne
EXTRÉMISME EN RUSSIE
Rafaïl Fainberg
Ces dernières années, le problème de l'extrémisme en Russie devient
de plus en plus présent, il se manifeste par un intérêt croissant
à l'intérieur de ce pays, aussi bien qu'au-delà de ses frontières.
La cause de la croissance de l'extrémisme en Russie est évidente
: "C'est la chute du système totalitaire et de l'idéologie communiste,
ainsi que la destruction des systèmes économiques et sociaux".
D'où les difficultés que vivent aujourd'hui beaucoup de citoyens
russes. Cela concerne avant tout les personnes âgées, les retraités,
ceux qui ont participé à la Deuxième guerre mondiale, qui, sous
le régime communiste, profitaient de certains avantages sociaux.
Le chômage, la baisse du niveau de vie, et de bien d'autres causes,
font que beaucoup de personnes expriment leur mécontentement par
rapport au régime actuel et au gouvernement russe.
La tradition d'un dialogue démocratique n'a jamais existé en Russie,
pas plus hier, qu'aujourd'hui. Ce dialogue au cours duquel se
révèlent les positions des deux côtés, leurs points d'entente,
ce qui leur permet de déterminer la voie du progrès. Actuellement,
la vie politique du pays sépare souvent ceux qui étaient ensemble
par le passé. Elle oblige certains hommes politiques à renoncer
à leurs anciennes opinions, et à choisir la voie de l'extrémisme.
Un des derniers exemples pour illustrer cela, est l'histoire du
général Rokhline très connu en Russie. Il y a quelques temps,
il est devenu député de la Douma pour représenter le mouvement
du Gouvernement "Notre Maison la Russie", il avait appelé à se
prononcer contre le Gouvernement actuel, cherchant à faire démissionner
le président Boris Eltsine. Il n'y a pas si longtemps, le maire
de Moscou, Youri Loujkov a refusé d'appliquer la loi sur le droit
des citoyens de se déplacer librement, et de choisir leur lieu
d'habitation à l'intérieur de la Fédération de Russie. Des exemples
pareils, on pourrait en trouver beaucoup. Ainsi, le refus d'appliquer
les lois existantes, le fait de se prononcer contre le Gouvernement
actuel, tout cela fait que ces hommes politiques se placent sur
la voie de l'extrémisme. Le Gouvernement de la Russie lui-même,
prend parfois des décisions qui contribuent à cette croissance
de l'extrémisme, à la xénophobie et au racisme.
Le plus bel exemple d'une telle décision, est l'intervention de
l'armée russe en Thétchénie fin 1994. Ce qui a provoqué des milliers
de victimes parmi les militaires tchétchènes, aussi bien que parmi
la population des différentes nationalités habitant dans le Caucase
du Nord. Des centaines de milliers de gens sont restés sans maison,
et sont devenus réfugiés. Ils vivent actuellement dans des conditions
extrêmement difficiles. Cette décision du gouvernement russe qui
a provoqué une guerre dans le Caucase du Nord, a attisé les manifestations
de l'extrémisme, du racisme, du terrorisme et de la xénophobie,
ainsi que de nombreux cas de violation des Droits de l'Homme.
Vous connaissez sans doute beaucoup de faits d'extrémisme et de
terrorisme. Il y en a beaucoup qui restent méconnus par tous parce
que dissimulés par les médias. En Russie il y a des régions où
la population russe, qui est minoritaire, est l'objet de discrimination
de la part de la majorité autochtone. En Russie Centrale également,
on a constaté des attitudes de discrimination par rapport aux
ressortissants du Caucase de la part de la population russe. La
politique du gouvernement n'est pas bien réfléchie, non seulement
par rapport aux minorités nationales, mais également par rapport
à certaines grandes unités nationales.
Je veux parler avant tout des Cosaques, un groupe particulier
de la population russe. Les Cosaques deviennent de plus en plus
actifs dans la vie sociale, politique et criminelle du pays. Dans
la vie Russe d'aujourd'hui, cela c'est caractérisé par un processus
de criminalisation des structures du pouvoir, et de politisation
du monde de la criminalité. C'est un processus d'injonction active
des structures politiques et criminelles. Je vais vous citer un
exemple concernant ce processus : le maire d'une des petites villes
de Sibérie au cours de sa courte vie, (il n'a pas encore trente
ans), a fait de la prison trois fois. Libéré une fois de plus,
il a décidé que pour pratiquer librement une activité criminelle,
il fallait qu'il devienne maire de la ville. Et, Il a réussi.
L'éventail d'organismes et de mouvements extrémistes est très
large en Russie. Ce sont des partis et des mouvements communistes,
radicaux de droite, monarchiques, nationalistes, néo-fascistes,
néo-païens et autres. Malheureusement je ne pourrai vous parler
en détail de tous les mouvements. C'est pourquoi je n'en choisirai
que quelques uns.
Il n'y a pas si longtemps que ça, quand des journalistes occidentaux
venaient en Russie, ils ne connaissaient que deux ou trois noms
: Jirinovski, Zuganov et encore un dont on ne se souvient plus
tellement, le leader du groupe "Pamiat", un certain Vassiliev.
En parlant avec ces journalistes, nous essayions de les persuader
qu'en dehors de ces quelques noms connus, il y en avait d'autres,
des forces nationalistes et extrémistes, qu'il faudrait qu'ils
connaissent; ils nous répondaient qu'ils le savaient, mais que
leurs lecteurs ne connaissaient pas d'autres noms. Par exemple
un certain Borkachov, leader d'un mouvement nationaliste d'extrême-droite.
Donc il fallait parler uniquement de ce que tout le monde connaissait,
et du fait que les journalistes occidentaux ne s'intéressaient
pas à eux ils n'en parlaient pas dans leurs articles. C'est pourquoi
j'aimerais porter une certaine réorganisation dans votre regard,
d'autant plus que par exemple, le parti libéral démocratique de
Jirinovski existe dans d'autres pays. Celui-ci a visité beaucoup
de pays occidentaux. En ce qui concerne les communistes, c'est
pareil. Pourtant en Russie il existe des partis, et des mouvements
de jeunes leaders désirant obtenir des rôles de dirigeants. Gare
à ce que l'avenir leur appartient ! C'est pourquoi je veux vous
parler des gouvernements de Cosaques, même si au départ, vous
ne comprenez pas mon choix.
Les Cosaques sont un groupement social très particulier en Russie.
Du point de vue structure, ils ne sont pas encore très bien organisés,
mais ils sont une force qui ne fait qu'accélérer la cadence de
son développement, d'année en année, et qui, vue la situation
politique actuelle dans le Caucase du Nord, risque de voir leur
rôle devenir sensiblement plus important. Traditionnellement les
Cosaques vivent depuis trois ou quatre cents ans dans les régions
comme le Caucase du Nord, l'Extrême-Orient , la Sibérie, là où
les relations étaient tendues, où il y avait des frontières avec
des tribus caucasiennes parmi lesquelles certaines ont fait la
guerre (les Tchétchènes par exemple) et ont obtenu quelques privilèges.
D'autres sont restées très prudentes par rapport au gouvernement
russe. Les Tchétchènes et les Cosaques vivent là-bas depuis déjà
trois ou quatre cents ans. Il faut dire que les bolcheviks comprenaient
à l'époque le danger des Cosaques pour la Russie communiste. C'est
pourquoi ils ont eu recours à des mesures de terreur et d'extermination
contre les Cosaques. Ils ont été nombreux à être tués ou déportés.
Le génocide a eu lieu également pour ce peuple-là. Ce qui unit
les Cosaques, c'est un certain caractère socialement commun lié
à leur passé historique, leurs traditions spécifiques culturelles,
et leur mode de vie. On doit noter également leur attitude particulière
par rapport au service militaire. Là, je vais encore revenir un
peu dans le passé, où chaque cosaque ayant atteint un certain
âge était mobilisable. Il y avait (dans la Russie d'avant la Révolution)
des armes, et à tout moment, ils étaient prêt à partir pour défendre
leur pays. Aujourd'hui, les leaders des Cosaques s'en souvenant,
cherchent à transformer cette population pacifique en une force
militaire. C'est justement ce qui explique le fait que beaucoup
d'hommes politiques essaient de faire des avances aux Cosaques
pour les attirer de leur côté. Les groupes des Cosaques s'arment
très vite, et les conflits qui ont lieu à l'intérieur et à l'extérieur
de la Russie, y contribuent. Il existe des chiffres qui font peur.
Par exemple, il y a eu des perquisitions chez la population dans
les régions de Krasnodor et de Stavropol, où l'on a trouvé des
stocks d'armes: mitrailleuses et cartouches en très grandes quantités.
Parfois, étant donné que parmi les leaders cosaques il y a souvent
des désaccords, il existe des conflits entre eux. Un jour le leader
d'un des groupements de Cosaques du Caucase s'est rendu en Abkhasie,
point chaud à ce moment-là, pour participer aux pourparlers, il
y est allé dans une voiture blindée. Au retour, dans ce pays tout
à fait pacifique, sa voiture blindée a été dynamitée, et tous
les occupants sont morts. Cela est arrivé il y a deux ou trois
ans. Cela nous permet de comprendre à quel point les Cosaques
sont armés. Cette mauvaise discipline et la mauvaise organisation
des armées cosaques, pourtant bien armées, représentent une très
grande force. Il y a cinq ou six ans, le gouvernement russe avait
essayé de leur faire des avances, espérant qu'il allait ainsi
contrôler les mouvements de cosaques, et les diriger, au besoin,
dans la bonne direction. Nous pensons qu'il y a un danger, celui
de ne pas y parvenir. Il faut dire qu'il y a eu en Russie, énormément
de groupements cosaques. "Cosaques" est un terme général. Il y
a par exemple: "l'Union des Cosaques de Russie", "l'Union des
Armées de Cosaques en Russie et à l'étranger", "l'Union des Cosaques
du Don", un des plus grands fleuves de Russie, "l'Armée des Cosaques
de Kouban", "l'Union des Cosaques de la région d'Orenbourg", etc...
Il faut dire seulement que vers la fin de l'année dernière, quand
on a essayé de systématiser, il s'est révélé qu'il existe en Russie
trois cent soixante organisations locales de cosaques. J'aimerais
vous informer rapidement sur les deux plus grands groupements
de cosaques. L'un se trouve dans le Caucase du Nord, et l'autre
en Sibérie. Il y a là dessus des textes qui peuvent être lus par
ceux qui le désirent. Je ne parlerai que des moments les plus
importants, qui à mon avis caractérisent bien le danger d'un mouvement
de cosaques pour le développement démocratique de la Russie. Il
y a en Russie, une région très connue appelée "Région de Krasnodar"
appelée également "le Kouban". Sur ce territoire, se trouve l'armée
la plus importante de Cosaques. L'autre organisation concurrente
est "l'Armée des Cosaques du Kouban". D'année en année, leur rôle
devient de plus en plus important dans cette région. Ils se disputent
le rôle dominant mais ils n'ont pas encore trouvé la solution.
Il faut noter que les leaders de ce mouvement ont choisi une position
très dure et intransigeante sur de nombreuses questions. Notamment,
ce qui est triste, sur la question des réfugiés. La guerre en
Tchétchénie a fait des centaines de milliers de réfugiés. Ce sont
des gens qui fuyant la guerre, s'installent sur le territoire
des régions de Krasnodor et de Stavropol, car ils sont russes.
Là-bas, traditionnellement avec des cosaques, vivent des ressortissants
du Caucase, peuples du Caucase du Nord, et également beaucoup
d'Arméniens. En outre, il y a quelques années, en Asie Centrale,
il y a eu des pogroms de Turcs dont une grande partie s'est installée
dans le Caucase du Nord. Et voilà qu'un groupe armé de cosaques
a fait irruption dans un petit village nommé "Stanitza", pour
enlever tous les Turcs vivant là-bas. Les cosaques ont brûlé la
maison d'un des Turcs, ils l'ont frappé à mort, ont volé sa voiture
et pillé ses biens. Ils sont partis ensuite, laissant à penser
que, c'était peut-être terminé. Mais le lendemain, ils sont revenus
dans le même village. ils ont réuni tous les habitants, et pendant
deux heures,ils les ont frappés. Ils ont ensuite tiré un coup
de pistolet à gaz dans la bouche d'une jeune femme de vingt ans.
Celle-ci est morte sur place. Une autre femme a été frappée violemment,
elle a eu des traumatismes corporels très graves. Elle a d'ailleurs
fait un très long séjour à l'hôpital. Il faut dire que certains
actes des cosaques provoquent l'étonnement et l'incompréhension.
Quelqu'un qui réfléchit n'aurait jamais imaginé certains de ces
actes. Par exemple, un jour, quelques Cosaques se sont réunis,
ils ont rédigé un papier qu'ils ont envoyé au Président de la
Russie. Ils y disaient que : "puisque le gouvernement ne satisfait
pas leurs revendications, le Président sera puni et condamné à
vingt cinq coups de fouet". Comme s'ils avaient eu la possibilité
de voir se réaliser cette condamnation. Ils ont également menacé
la Douma : "si elle ne faisait rien pour que leurs revendications
fussent satisfaites, chaque député, selon la tradition caucasienne,
subirait des coups de fouet". Tout cela produit une impression
peu sérieuse. Pourtant, comme je l'ai déjà dit, certains hommes
politiques russes voient dans ces cosaques une grande force sur
laquelle ils pourraient éventuellement s'appuyer. Parmi les leaders
cosaques, ces derniers temps, la mode était de proposer sa candidature
dans les organes du pouvoir local; souvent, ils ont du succès
aux élections et sont élus à la Douma, ils se mettent alors à
mener la politique qui les intéresse.
Quelques mots aussi sur "l'Armée de Cosaques d'Irkoutsk". Celle-ci
est née au début des années quatre vingt dix , elle ne comptait
alors que trente personnes. C'était un très petit groupement.
En cinq ou six ans, leur popularité à grandi à tel point que dans
soixante petits villages de Sibérie, il existe déjà des groupes
de cosaques armés. En ce qui concerne leur nombre, ce n'est pas
encore très clair. Nos calculs annoncent un nombre situé entre
douze et quinze mille cosaques. Les leaders donnent rarement des
chiffres plus élevés que la réalité effective du nombre de leurs
partisans. Pourtant ils comptent aussi sur ceux qui leurs sont
solidaires, et avancent le nombre de cent mille cosaques. Ce nombre
n'est pas réel. Il est intéressant, sur le plan psychologique,
de parler des leaders de ce mouvement de cosaques. Il y a un leader
que je connais personnellement. A l'époque, il était à Moscou
et n'avait pas encore trouvé son "emploi". Il faisait partie du
groupe de D. Vassiliev : "Pamiat". Il avait un très joli tee-shirt
sur lequel était marqué en grandes lettres : "Tu fumes, tu bois
du tabac et de la bière, tu es donc complice de Tel-Aviv". Il
a essayé de se frayer un passage à Moscou, de se créer un visage
politique. Il n'y est pas arrivé. Il est reparti en Sibérie où
il était né. Et c'est là, qu'il s'est fait une carrière politique,
il est devenu l'un des leaders de "l'Armée de Cosaques de Sibérie".
Il y a un an, il faisait partie du Soviet de la ville d'Irkoutsk
où il était à la tête de la Commission des liens culturels de
la Russie.
Une petite digression lyrique ! A un moment donné, quand je m'occupais
du mouvement juif, on a voulu, lui et moi, engager une polémique.
Mais nous n'avons pas su le faire parce qu'il avait une position
très nette : tous les juifs, selon lui, devaient chercher à se
justifier; il ne voulait pas, et n'était même pas prêt à une discussion
d'égal à égal. Son point de départ était le suivant : Les juifs
sont coupables d'avoir fait la Révolution d'Octobre, et de ce
fait, ils doivent en rendre des comptes. Il refusait même la formule
qui pourrait permettre un dialogue d'égal à égal. Il y avait d'autres
exigences qui ne nous permettaient pas d'engager une discussion.
Malheureusement ces derniers temps, les Cosaques, étant donné
qu'ils ont beaucoup d'armes deviennent plus sûrs d'eux, de ce
fait, leur agressivité augmente. Par exemple, il n'y a pas si
longtemps en Sibérie, ils ont fait irruption dans la rédaction
d'un journal de jeunes, et ils y ont organisé un pogrom. Heureusement
ils n'ont tué, et blessé personne; mais ils ont détruit quelques
ordinateurs, et pour se justifier, ils ont annoncé que la rédaction
du journal menait une mauvaise politique. Une autre fois, dans
les rues d'une ville de Sibérie, défilaient des partisans de Krishna,
avec les vêtements qu'on leur connaît. Les Cosaques n'ont pas
apprécié cela (il faut dire qu'ils ont une position très agressive
contre tous ceux qui ont une autre nationalité ou une autre religion),
ils se sont jetés sur la colonne des krishnaïtes : non seulement
ils les ont dispersés, mais ils les ont battus. Les chefs du mouvement
"Krishna" se sont adressés au tribunal en portant plainte. Le
procureur étant cosaque lui-même, et ayant participé à ce mouvement-là,
les plaintes et les demandes des krishnaïtes n'ont pas eu de suite.
J'aimerais maintenant vous parler un peu des autres mouvements
et partis qui existent en Russie et qui sont très nombreux. Il
y a des partis extrémistes, pro-fascistes, nationalistes etc...
On a déjà beaucoup parlé des partis communistes, libéraux-démocrates.
J'aimerais parler un peu des mouvements que vous ne connaissez
pas. Et qui, à mon avis, celui d'un modeste historien, représentent
un danger pour la Russie. On sait que dans les années vingt, un
des leaders des communistes de Russie Grigorii Zinoviev, qui faisait
la révolution avec Lénine, a dit après la mort de celui-ci : "Nous
autres, bolcheviks, nous avons fait une grande erreur. Pourquoi
avons-nous pris le pouvoir ? Pourquoi avons-nous fait la Révolution
d'Octobre ? Si nous avions été dans l'opposition, nous n'aurions
eu à répondre de rien ! Nous serions restés dans les Doumas pour
discuter ! Maintenant, nous devons nous occuper de tous ces problèmes
d'organisation ! Et c'est pourquoi nous avons tant de difficultés"
!
De mon point de vue, les communistes et les démocrates-libéraux
d'aujourd'hui comprennent eux aussi toute leur responsabilité
au cas où ils prendraient le pouvoir. Ils vont encore bien réfléchir
si cela vaut la peine de revenir en arrière. Il vaut peut-être
mieux, tout en gardant le régime actuel, mettre des gens dévoués,
trouver une place bien "chaude", continuer cette activité parlementaire
dans un local bien chauffé, porter une cravate, au lieu d'être
quelque part où il faut mettre beaucoup d'énergie et s'investir
énormément. Malheureusement, il y a en Russie, de nouveaux mouvements
extrémistes dirigés par de jeunes leaders. Ils n'ont eu ni la
gloire, ni le respect, ni l'inconnu, de tout ce qui constitue
la composante de la situation actuelle. Les communistes actuels,
ou ce Jirinovski, par exemple, qui sont prêts à tout pour se frayer
un passage, se faire un "Nom", pour occuper sa niche en Russie.
Un des mouvements dangereux en Russie est "l'Unité Nationale Russe",
dirigé par Alexandre Varkochov. L'apparition de Varkochov est
très mystérieuse, il y a beaucoup de flou dans son histoire. C'est
un jeune homme, qui a un peu plus de trente ans, il a servi dans
les unités militaires d'élite. Quand il est revenu, il était entraîneur
de combat "du corps à corps" en Irak ou en Libye. Avant, sous
les communistes, c'était très difficile pour quelqu'un d'aller
comme ça, dans d'autres pays. Revenu, il s'est senti du goût pour
la politique, et il a créé son propre mouvement. Si on compare
"l'Unité Nationale Russe" avec d'autres mouvements, il y a eu
un développement vertigineux pendant ces quelques dernières années.
Il y a cinq ou six ans, ils étaient dix à quinze personnes; maintenant
ils sont entre vingt-cinq et trente mille en Russie. Il a ses
secteurs dans soixante régions, c'est une force véritablement
organisée. Avec cela, si d'autres mouvements ont un certain caractère
théâtral, l'envie de se faire connaître sans rien avoir pour y
aboutir, la situation chez Varkochov est tout à fait différente.
Ils ont leur maison d'édition, deux journaux principaux à Moscou
et beaucoup de journaux régionaux. Ils organisent des formations
pour leurs membres. Un jour j'ai téléphoné au numéro qu'ils proposent.
Moi, j'ai une formation d'historien. J'ai travaillé à l'école.
Je suis né dans le Caucase du Nord. Au téléphone, on m'a demandé
si j'étais caucasien. J'ai répondu que j'étais né dans le Caucase.
On m'a demandé si j'étais réfugié. J'ai répondu : "Comme si je
l'étais". Eux : "On a besoin de gens comme vous ! Venez, on sera
ravi de coopérer avec vous" . Moi : "Je ne suis plus jeune, j'ai
plus de quarante ans" . Eux : "Très bien, on a besoin de gens
comme vous, surtout si vous avez travaillé à l'école, vous savez
travailler avec les jeunes". Je n'y suis pas allé, bien sûr. Mais
tout cela montre que c'est une organisation sérieuse. Ils ont
des films. On peut acheter leurs films vidéo à Moscou. Ils organisent
des "formations" sur la politique. Ce Varkochov a écrit un livre
intitulé "Abécédaire d'un nationaliste russe". Chaque année un
partisan de ce Varkochov doit en faire le résumé. Ils ont des
cours de sport, de tir et beaucoup d'autres choses. Le plus grand
danger, c'est qu'ils ne cherchent pas à légaliser leur activité,
ils ne se cachent même pas. Ce qui rend méfiant, c'est qu'ils
ont de très bonnes relations avec la milice. Ils l'aident à patrouiller
dans la rue. Ce sont des garçons jeunes, bien entraînés physiquement,
ils ont chacun un emblème. Ils le portent sur la manche: il représente
la croix gammée stylisée sur le fond d'une étoile à huit branches.
On voit quand même que c'est un symbole proche de celui des fascistes.
Leur façon de saluer est aussi très particulière. Ils font un
mouvement en avant avec leur bras droit, comme les nazis, mais
au lieu de "Heil !Hitler ", ils disent : "Gloire à la Russie !
". Il y a quatre ans, j'étais dans une salle de cinéma. C'était
un grand rassemblement de forces extrémistes. Et j'ai décidé d'y
aller pour voir. Cela s'est terminé par une dispute entre les
chrétiens et les païens. Il y a même eu une bagarre. Ce rassemblement
a échoué. Mais à la fin de l'année dernière à Saint-Pétersbourg
a eu lieu le troisième congrès de ces forces radicales de droite,
où ils se sont mis d'accord pour faire des actions ensemble. Ils
ont même crée leur Soviet des partis radicaux-nationalistes. Ils
se disputent encore pour savoir lequel de ces partis est le leader...
Je vous remercie. |