"Identité, Etat, Religion et Laïcité en Europe après la chute du mur de Berlin"

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La notion de Nation à l'Est et à l'Ouest.


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La Situation des Musulmans dans les Balkans après la chute du mur de Berlin .


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Le mythe de l'identité nationale.


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Les identites individuelles, les identités collectives: nouvelles interrogations.


Patrick MOREAU

Les intellectuels face à la tentation populiste de droite en Europe et le retour du nationalisme.


Rafail FAINBERG Extrèmisme en Russie.


Victor ELENSKY

L' Eglise Orthodoxe dans la société post-communiste: le cas de l'Ukraine.


Predrag MATVEJEVIC Intelligentzia et dissidence dans l'autre Europe .
Théo ROBICHET

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Ecclesiologie Orthodoxe et Nationalisme en Roumanie


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L'INTOLÉRANCE DES ÉTATS NATION ENVERS

LES MINORITÉS ETHNIQUES ET RELIGIEUSES

Panayote Elias DIMITRAS

Il est évident, que lorsqu'un représentant d'une organisation des Droits de l'Homme, prend la parole sur ces affaires, il tiendra un discours un peu diffèrent de ceux qui ont précédé. Je vais essayer surtout de vous montrer par une série d'informations que les choses ne vont pas en s'améliorant, mais tout au contraire.

En ce qui concerne le sujet de ce colloque qui est la liberté d'expression, la laïcité, la liberté religieuse et le droit des minorités. Je vais commencer par trois exemples, très récents, qui proviennent de Grèce, et de très hautes autorités. Le 23 octobre 1997, il y a donc quelques jours, il y a eu au Parlement grec un débat sur le nouveau manuel d'histoire de la première année du lycée, intitulé: "Les contributions culturelles de l'Hellénisme dans le monde". C'est un manuel très ethno-centrique. Ce n'est pas le manuel lui même qui est en question ici. Pendant ce débat, toutefois, le très autorisé ministre de l'éducation, en répondant à un député de la Coalition de gauche, qui citait un historien qui avait critiqué ce livre, a dit: "on ne peut pas être historien, quand on soutient qu'il n'y avait pas de nation grecque, de conscience nationale grecque dans l'antiquité".

Quelques semaines avant, le Président de la République grecque, en visite au Mont Athos a parlé du "louche Occident", qui conspire contre la Grèce, et il a expliqué que cela ce passe parce que "Les papistes et les protestants" ne veulent pas reconnaître la contribution culturelle de l'Hellénisme et de l'Orthodoxie dans le monde".

Un mois avant, le même Président avait tenu des propos fort virulents, je pense que cela doit être mieux connu ici en Macédoine: "Les Macédoniens n'existent pas comme nation séparée, c'est des Bulgares qui ont usurpé l'histoire, et le nom de la Macédoine". Tout cela, nous montre, que dans les niveaux les plus autorisés de la Grèce, qui est quand même un pays qui ne vient pas de sortir du communisme, et donc qui a moins d'excuses d'être intolérant, il y a une mentalité très xénophobe, envers ce qui est diffèrent.

Partout, dans les Balkans, et ailleurs, il y a des problèmes avec les minorités, mais dans les Balkans du sud où nous sommes, les problèmes sont plus graves au niveau institutionnel, et c'est pour cela que j'insiste sur le rôle de l'État. Puisque en principe, ailleurs les minorités sont reconnues, même si la reconnaissance n'est pas suffisante pour qu'elles jouissent de tous leurs droits. Mais chez nous, très souvent elles ne sont même pas reconnues. La fameuse Convention "Cadre du Conseil de l'Europe" est en train d'être adoptée par les pays de la région, avec des déclarations à la fin qui limitent son application sur certaines minorités seulement, celles reconnues par ces États.

La Grèce vient de la signer, et on nous a signalé que, bien sûr, et bien évidemment, elle ne s'appliquerait qu'à la minorité musulmane, puisque c'est la seule que l'on reconnaît avec ce nom-là.

La Bulgarie fait de même: elle fournit une liste des minorités qui exclu la minorité macédonienne, qui, selon les Bulgares n'existe pas. Tout comme la Macédoine qui, quand elle a adopté et ratifié la Convention, a annoncés qu'elle ne s'applique qu'aux minorités qui sont plus ou moins connus ici, mais qui excluait tous ceux qui dans ce pays veulent se considérer par exemple "Bulgares", et ainsi de suite.

En Grèce, nous avons aussi des minorités qui sont reconnues: je viens d'en citer une, reconnue comme religieuse, tandis qu'elle voudrait bien être reconnue comme ethnique; il s'agit des Turcs de Grèce, qui ne sont reconnus que comme Musulmans. Les Grecs de Turquie aussi ne sont reconnus que comme Orthodoxes. Il y a des minorités qui ne sont reconnues que seulement dans un coin du pays: par exemple en Albanie, les Grecs et les Macédoniens n'existent officiellement qu'au sud, et peut-être dans les villages, mais pas dans les villes.

Mais je vais vous parler davantage du problème de la liberté de religion puisque c'est quand même le sujet de ce colloque. La nouvelle loi sur les religions en Russie est assez connue en général. Mais ce qui est moins connu, et que je voudrais quand même partager avec vous. C'est que c'est une loi, qui non seulement veut limiter la liberté de tout ce qui apparaît comme nouveau en Russie, mais, pour citer un représentant d'une ONG : "c'est plutôt une loi qui ne protège pas la tradition, mais elle protège le Stalinisme, puisque elle protège seulement les religions qui ont été loyales envers l'État soviétique".

C'est l'Anglais Lawrence Uzzell du Kensington Institute qui est un des observateurs de la liberté religieuse en Russie. Et pour expliquer ce qu'il veut dire, je cite maintenant Lev Levinson qui fait parti du groupe des conseillers sur les Droits de l'Homme du Président, qui dit que cette loi est conçue pour marginaliser les catholiques et les protestants, mais qu'elle donne une occasion a l'Église officielle le Patriarcat de Moscou de se débarrasser des autres Églises orthodoxes alternatives, comme l'Église, je le dis en Anglais parce que je suis pas sûr comment ça se traduit en Français le : " True Orthodox Church" et l'Église Orthodoxe Ukrainienne qui est présente dans quelques coins du territoire Russe.

La loi n'est pas la seule, je vais en citer des exemples similaires dans le sud des Balkans. Je commence avec la Serbie, pour citer le rôle de plusieurs religieux de l'Église orthodoxe dans la guerre, un rôle qui était, d'apporter de l'eau au moulin de ceux qui faisaient la guerre en ex-Yougoslavie. Très récemment il y a eu un texte de soutien à Karadjic, un texte très anti-occidental avec parmi les soixante signatures, celle du Patriarche Pavle. Je remarque, dans ce qui est moins connu, en citant surtout mes collègues qui s'occupent du projet "Face a Face" financé par l'Union Européenne sur les libertés religieuses, en Bulgarie, en Roumanie et en Macédoine, qu'en Bulgarie la moitié des Églises, ou plutôt des religions ne sont pas reconnues, et n'étant pas reconnu, elles ont tous les empêchements que vous pouvez imaginer.

La Bulgarie vient d'être citée par la Cour européenne de Justice, pour la violation du droit des "Témoins de Jehovah" d'être inscrits. En 1996, par exemple le congrès même des "Témoins de Jehovah" a été interdit. Ce n'est pas seulement les Églises, disons nouvelles, mais les cultes anciens, aussi soumis à l'intolérance: une mosquée n'a pas été permise d'être construite à Skoffo, une école Musulmane a été fermée à Rousse.

Passons à la Roumanie, où on avait toujours l'impression que les problèmes étaient moins graves. Mais il y avait une tradition depuis l'ancien régime, qu'un grand nombre de groupes religieux était interdits, et n'était pas reconnu. Dans le nouveau régime sans être reconnus, ils ont été tolérés et puis, avec des problèmes, par exemple: en 1996 à la demande de l'Église officielle orthodoxe, le Congrès mondial des "Témoins de Jehovah" a été interdit en Roumanie, et cela a été suivit par une campagne virulente dans les médias contre cette Église. Mais très récemment avec un décret du 25 mars 1997, l'État interdit de bâtir des nouveaux lieux de culte, à tous les groupes religieux qui ne sont pas inscrits et reconnus: donc cette tolérance des non-inscrits commence à arriver à sa fin.

Nous sommes en Macédoine, où ce pays vient d'adopter une loi sur les religions, qui pour citer quelqu'un quand nous étions là en avril a une mentalité autoritaire qui rappelle l'ancien régime, plutôt que le nouveau: cet autoritarisme concerne toutes les religions, y inclue la religion orthodoxe, puisqu'il donne d'énormes pouvoirs à la "Commission des Affaires Religieuses", et on ne peut pratiquement pas faire grand-chose sans son permis. Surtout, il y a de nouveau une différence entre les communautés religieuses, et les groupes religieux. Les groupes religieux auront beaucoup plus de peine que les communautés religieuses à faire quoi que ce soi sans être autorisés. Ce n'est pas une autorisation qu'ils auront facilement.

Revenons à la Grèce, rappelez-vous qu'une fois tous les deux mois en moyenne, la Cour européenne de la Justice condamne la Grèce pour violation, soit directement de l'article 9 relatifs à la liberté religieuse, ou indirectement quand on arrive par d'autres articles, sur les affaires de Témoins de Jehovah, et maintenant on attend le jugement sur les Catholiques et les Protestants, parce que finalement la Grèce qui est la plus ancienne dans la Cour Européenne des Droits de l'Homme, est aussi intolérante que les nouveaux pays qui y accèdent.

Je diffère un peu de mon compatriote qui a parlé hier, sur le fait que c'est la religion d'État qui conduit à l'intolérance, non pas la religion elle-même. Oui, je suis d'accord si on se limite aux textes, mais si on passe aux représentants des religions, je dois vous rappeler, et là, je parle pour les Grecs maintenant, parce que quand même, ce furent les prêtres, ou plutôt les évêques, voire l'archevêque qui a mené la campagne contre la reconnaissance de la Macédoine qui était en tête des manifestations monstrueuses d'une autre ère. Elles ont pourtant eu lieu, il y a quelques années à Athènes, et à Salonique, et ce clergé a prononcé des mots qui n'a rien à faire avec ce qui est prétendu être l'amour des Chrétiens pour les autres Chrétiens. Parce qu'après tout, les Macédoniens sont aussi chrétiens et orthodoxes.

Ils ont aussi mené le combat pour l'autonomie de l'Empire du Nord, ou l'Albanie du Sud, et cela est quelque chose de très récent pour montrer combien l'État répond à la religion dominante, qui est le problème partout dans les pays de l'Europe de l'Est, et du Centre.

Le fameux Article 19, du code de la citoyenneté en Grèce, qui permet de perdre la citoyenneté quand on est minoritaire, est appliqué contre les Turcs en Thrace. Le gouvernement, à quatre reprises avec ses Ministres des Affaires étrangères a annoncé qu'il allait l'abolir. Et quand l'évêque de Komotini a envoyé une lettre, en dénonçant le Ministre des Affaires Étrangères, comme ennemi de la nation, il vient de recevoir, juste il y a dix jours une lettre du Ministère de l'Intérieur qui est compétent sur le sujet, et qui est le premier dans les rangs du gouvernement, en lui disant : "Monseigneur excusez-moi, notre ministre n'a jamais pensé à changer cet article". Je vous remercie.

Skopje 28 octobre 1997

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